Mutantès, le spectacle événement des dernières FrancoFolies, a longtemps été entouré d'un grand mystère. Ni Pierre Lapointe ni son metteur en scène, Claude Poissant, ne voulaient vendre la mèche avant la première.

L'aventure maintenant terminée, Mutantès: dans la tête de Pierre Lapointe, présenté ce soir dans le cadre du Festival international du film sur l'art, lève le voile sur les coulisses de cet ambitieux spectacle qui a laissé le chanteur complètement lessivé et habité par un sentiment d'échec.

Mutantès a été présenté six fois à Montréal et deux fois à Québec. Ovationné. Porté aux nues par la critique et, c'est vrai, écorché ici et là. Dans le film du réalisateur Éric Morin, Pierre Lapointe dit pourtant en avoir eu «honte». «Le sentiment d'échec était dû à une grande fatigue, nuance aujourd'hui le chanteur. Une chance qu'on l'a repris (NDLR: au mois de février) parce que ça m'a permis de me réconcilier avec ce projet-là.»

 

Conscient que ce spectacle constituait un «geste risqué» et un «moment important de sa carrière», Pierre Lapointe a lui-même eu l'idée d'en documenter la création. Ne voulant pas d'un «making of» traditionnel, il a approché le réalisateur de Mange ta ville («l'émission la plus représentative de mes goûts et de ma génération», selon lui), qui a fait le pari de mélanger documentaire (surtout) et fiction (un peu). Ici, la forme veut faire partie du message.

L'essentiel du film s'attarde sur le travail de conception de Mutantès: réunions de création, casting, ateliers de danse et répétitions. L'oeil fixé sur Pierre Lapointe, il traduit ses états d'âme et ses angoisses. Éric Morin tente du même souffle de circonscrire l'inspiration foisonnante et les ambitions de son sujet, notamment à travers des scènes plus légères (une rencontre avec Luc Plamondon) ou visiblement mises en scène (un pep-talk loufoque avec nul autre que Robert Lepage).

«La forme du film a évolué au fil du projet», expose le réalisateur, qui a bénéficié de la confiance totale du chanteur. Éric Morin a d'ailleurs eu accès à Pierre Lapointe jusqu'à la toute fin: sa caméra l'a suivi jusqu'au moment où l'artiste entre en scène, le soir de la première. Une liberté dont il ne revient pas encore. «J'étais sûr que, une heure au moins avant le début, il allait me demander de couper», dit-il.

Ce film autour de Mutantès va effectivement assez loin dans la tête de Pierre Lapointe. Sauf qu'il donne parfois l'impression de courir deux lièvres à la fois: parler de l'imaginaire de Pierre Lapointe au sens large et de celui de Mutantès en particulier. L'arrimage entre les deux facettes du film n'est pas toujours parfait. Il se révèle cependant éclairant en ce qui a trait au parcours intellectuel de l'artiste et à son ambition de transformer tout ce qu'il touche en art.

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Mutantès: dans la tête de Pierre Lapointe, ce soir, 20 h, à la Cinquième salle de la PDA et le 28 mars, 21 h, à la Cinémathèque québécoise. Le film sera par ailleurs présenté le 4 avril à 21 h à ARTV.