C'était un bien drôle de projet. Un pari audacieux. Organiser une tournée française de 14 dates avec une centaine de musiciens palestiniens et israéliens. Mettez des artistes israéliens et palestiniens dans le même bocal. Observez... Voici D'une seule voix.

Dans le genre casse-gueule, on aurait difficilement pu faire mieux. Mais cela n'a pas empêché le Français Jean-Yves Labat de Rossi d'y croire. Et de l'organiser. Rien que pour montrer que c'était possible.

Cette tournée, qui a eu lieu en mai 2006, fait aujourd'hui l'objet d'un documentaire intitulé D'une seule voix, présenté samedi soir et dimanche en clôture du 4e Festival de films sur les droits de la personne. Ce film de Xavier de Lausanne raconte comment une opération risquée s'est transformée en histoire d'amitié - et donc en succès - malgré de profondes divisions qui auraient pu tout faire foirer.

«Au début, on sentait bien les tensions, raconte Xavier de Lausanne. Même si la tournée n'était pas politique, tout le monde avait ses positions. C'est intéressant de voir comment les choses ont progressé en coulisse.»

La chose s'est faite en douceur, explique le cinéaste. Devant l'adversité, les deux camps ont fini par se réconcilier. «C'était une tournée fatigante. Il y avait de longs trajets de bus. L'horaire était serré. Le budget aussi. C'est en vivant ces situations ensemble que ça les a rapprochés. Du coup, ce n'était plus des Juifs et des Arabes. C'était simplement une troupe.»

C'était pourtant loin, très loin, d'être gagné. Les protagonistes d'Une seule voix sont peut-être des artistes, mais ce sont avant tout des Israéliens et des Palestiniens, marqués par un demi-siècle de haine et une méconnaissance absolue de l'autre. Tout ce beau monde partait de loin.

«L'idée même de se rencontrer était impossible. Un bon nombre d'entre eux n'aurait jamais imaginé se retrouver ensemble, à prendre des photos en se tenant par l'épaule. Du coup, cette aventure les a marqués profondément.»

L'art du possible

On pourrait longtemps s'étendre sur l'enjeu et la valeur symbolique d'une telle expérience. Ou tenter de mesurer son impact à long terme. Les plus cyniques argueront sans doute qu'il s'agit là d'un simple «exercice de style» sans portée véritable. Mais Xavier de Lausanne n'est pas de cet avis.

«Quand les choses sont bloquées dans le monde réel, il faut se transposer dans un autre monde pour que croire que ça devient possible. Et ça, c'est justement la force de l'art, affirme le réalisateur. L'actualité est basée sur ce qui ne va pas bien. Si on peut équilibrer les perceptions avec des choses constructives et étonnantes, moi je dis: pourquoi pas?»

Ce message d'espoir ne semble toutefois pas avoir été entendu. Malgré des salles pleines, les médias français ont à peine souligné l'événement. Pas plus d'ailleurs que les médias israéliens et palestiniens. Le film indépendant a aussi été boudé par la télé française, sous prétexte qu'il n'entrait «dans aucune case». Puis rejeté par le Festival du documentaire de Jérusalem qui, apparemment, n'en voyait pas l'intérêt. Quant à la projection prévue en Palestine, en février dernier, elle a été tout simplement annulée à cause des attaques israéliennes sur Gaza.

L'aventure, du reste, n'aura pas été sans lendemain. Des amitiés sont nées. Et se poursuivent encore aujourd'hui. D'autres sont mortes. Au sens propre.

C'est le cas d'un joueur de oud palestinien, mort quelques semaines après la tournée, victime collatérale d'un bombardement. «Maintenant qu'on les connaît par leur nom, ce n'est plus pareil, lance le directeur du Choeur de Jérusalem à la fin du film, visiblement secoué. Maintenant, on parle de vraies personnes... »

D'une seule voix, de Xavier de Lausanne, dimanche 14 h 30, au Cinéma du Parc. Infos: ffdpm.com