Présenté l'an dernier au Festival de Cannes et au Festival du nouveau cinéma, le plus récent film d'Atom Egoyan, Adoration, sort finalement en salle vendredi.

Le cinéaste canadien discute avec La Presse de ce drame qui aborde le thème de l'identité par l'entremise de l'Internet, mais aussi de son dernier tournage, interrompu par la mort tragique de Natasha Richardson.

Avec Adoration, Atom Egoyan propose un film qui porte sa signature, autant par les thèmes abordés que par la réflexion profonde que suscite le scénario.

Élevé par son oncle, Simon est un adolescent qui a perdu ses parents. Le soir, il se réfugie devant son ordinateur pour discuter avec d'autres internautes. Un jour, il se met à parler d'une vie qui n'est pas la sienne.

«Je pense que les identités alternatives sur le web font partie de l'adolescence aujourd'hui, explique Atom Egoyan. Les jeunes jouent à des jeux vidéo en se glissant dans la peau d'avatars. Pour eux, c'est normal.»

Simon invente une fausse intrigue en lien avec la disparition de ses parents, qui vient complètement changer le sens de sa propre existence. «Les jeunes ont parfois tendance à dramatiser leur vie, et l'Internet est un excellent moyen d'élaborer et de partager ça», souligne Egoyan.

Le jeune Simon prétend être victime d'un événement inventé, mais le réalisateur s'est inspiré d'un véritable attentat terroriste avorté. En 1986, un Jordanien avait envoyé sa femme enceinte faire un voyage en avion, avec une bombe dans son sac à main.

«Je me souviens de cet événement, raconte Egoyan. Dans son livre La grande guerre pour la civilisation, Robert Fisk indique que c'est un fait important dans notre compréhension du Moyen-Orient. C'est le geste le plus extrême et diabolique que l'on peut commettre. Cela soulève plusieurs questions.»

Simon est encouragé dans sa «fausse» démarche par sa professeure de français, Sabeen, interprétée par Arsinée Khanjian, l'égérie d'Egoyan. La femme, dont le personnage est tout aussi complexe, s'intéresse au garçon, car il lui est utile dans la poursuite de sa quête.

Elle aussi «ment» dans ses intentions.
«Est-ce que c'est malicieux, est-ce que c'est mentir? C'est plus de la fabulation, fait valoir le réalisateur. C'est une extension de leur vision de la vérité. Et pour moi, c'est fascinant.»

«Nous sommes tous capables de nous tromper nous-mêmes, poursuit Egoyan. Et après, nous devons créer un mythe. Je ne vois pas ça comme un mensonge. Je vois ça comme la création d'une mythologie qui explique des choses que nous ne voulons pas admettre.»

Film d'auteur

Dans Adoration, Atom Egoyan aborde des thèmes auxquels il s'est intéressé dans plusieurs de ses films: le vrai et le faux, la famille, de même que la communication à l'ère des nouvelles technologies. Le réalisateur aime revenir à «son» cinéma d'auteur entre deux films plus grand public.

«Je suis plus proche de ce type de cinéma, souligne-t-il. Mais ces films demandent de la concentration. Le spectateur doit me faire confiance et connaître mon style qui s'inscrit dans une certaine tradition.»

«Je suis privilégié de pouvoir m'exprimer, mais j'aime alterner les films d'auteurs avec des pratiques plus commerciales», ajoute-t-il.

Egoyan travaille présentement au montage de son prochain film, Chloe, qui met en vedette Julianne Moore et Liam Neeson. Le tournage a été interrompu en mars à Toronto par la mort de Natasha Richardson, l'épouse de Neeson.

«C'est la chose la plus dramatique qui me soit arrivée lors d'un tournage, confie Egoyan. Personne ne pensait que c'était possible. Nous sommes tous déjà tombés en voyage. Faut-il toujours aller à l'hôpital? C'est terrifiant.» Chloe est un remake - tout à fait différent - du film français Nathalie. Une femme engage une prostituée pour flirter avec son mari qu'elle croit infidèle. « C'est surtout un film sur un mariage en crise et sur la façon dont deux personnes peuvent se réconcilier.»

Atom Egoyan, un des grands cinéastes canadiens, a été en lice aux Oscars pour la réalisation de The Sweet Hereafter. Pourtant, le ministre du Patrimoine, James Moore, n'a pu l'identifier récemment à Tout le monde en parle. Qu'en pense le principal intéressé? «Peut-être que mon nom est très difficile à prononcer», ironise-t-il.

Adoration prend l'affiche le 8 mai.