Enfin la consécration en France pour Marie-Josée Croze? En tout cas, ça y ressemble, avec la sortie de Je l'aimais, un film de Zabou Breitman inspiré du roman à succès d'Anna Gavalda, avec Daniel Auteuil en vedette masculine. On pourrait dire qu'il s'agit pour elle de son premier vrai grand rôle - «enfin quelqu'un qui la magnifie» écrit Le Temps de Genève -, et de surcroît, les premiers chiffres donnent à penser qu'on ira cette fois vers un grand succès commercial.

Concernant ce «joli mélodrame» (L'Express), la critique, sans surprise est partagée: d'un côté, la presse grand public est dithyrambique, de l'autre les médias «intello» qui, à l'exception notable du Monde, manifestent de la réserve (Télérama, Les Inrockuptibles, Libération), mais sans assassiner le long métrage comme on aurait pu s'y attendre pour ce genre de film, plutôt sentimental. À noter: même ceux qui n'aiment pas le film tiennent des propos plus que flatteurs pour Marie-Josée Croze qui jusque-là «avait beaucoup tourné et un peu déçu» (Marianne).

Il est vrai que depuis son prix d'interprétation à Cannes - mérité, mais surprenant pour un second rôle -, Marie-Josée Croze n'a cessé de tourner en France à une cadence soutenue. Pour ses coups d'essai, elle a même eu droit à tous les meilleurs acteurs français de la nouvelle génération, Mathieu Amalric, François Cluzet, Clovis Cornillac et Albert Dupontel. Et dans tous les cas, elle avait le statut privilégié de premier rôle féminin. Mais en même temps, il manquait toujours quelque chose à son bonheur suprême.

Dans certains cas, elle était cantonnée dans des personnages trop typés - une écolo névrosée face à Cornillac par exemple - pour lui permettre de donner toute sa mesure. Ou alors dans des rôles de faire-valoir - la femme sans histoire face à Cluzet ou Dupontel - dans des films où le héros masculin occupe toute la place. Des films bien reçus par le public, mais sans plus.

Avec Je l'aimais, Marie-Josée Croze a enfin hérité d'un rôle dont on se demande pourquoi il a mis tant de temps à venir: l'amante sensuelle et resplendissante, sans être pour autant la femme fatale inaccessible, celle qui, au détour d'un voyage d'affaires à Hong Kong, provoque un coup de foudre chez Daniel Auteuil, patron affairé et coincé qui s'en va sur la cinquantaine.

Là-dessus, la presse est quasiment unanime. L'Express, qui a modérément aimé le film, égratigne Daniel Auteuil, «au contraire de Marie-Josée Croze, magnifique dans la peau de l'amante». Libération, qui parle dans l'ensemble d'une «irritante mièvrerie», tient à préciser: «Heureusement qu'il y a elles (les deux rôles féminins)... Marie-Josée Croze n'est pas belle, elle est mieux que ça. Tout en sensualité de moins en moins cachée à mesure que sa relation avec Pierre s'évapore.» Le Figaro, qui démolit le film, fait une exception pour Marie-Josée Croze «qui s'en sort plutôt bien dans le rôle de la jeune maîtresse enamourée».

Quant au Soir, le grand quotidien de Bruxelles, il dresse un portrait dithyrambique: «Elle prend merveilleusement bien la lumière. Le personnage de la belle Mathilde s'inscrit dans la grande tradition des amantes à la fois douces et poivrées... On pense au romantisme de Fanny Ardant dans La femme d'à côté. À la passion psychotique de Glenn Close... à la mélancolie sculpturale de Maggie Cheung dans In the Mood for Love, à la simplicité tragique de Françoise Dorléac dans La peau douce... Une liste prestigieuse dans laquelle elle se glisse sans complexes.»

Qui dit mieux?

Et pour tout arranger, le film a connu hier après-midi un début fort prometteur, dans quelque 350 salles pour la France, avec 1667 spectateurs à la fatidique première séance du mercredi après-midi, ce qui doit être le meilleur résultat de la semaine. Et en tout cas, au 20e rang des meilleurs depuis le début de l'année. Pour son rôle incontestablement le plus important de sa jeune carrière en France, Marie-Josée Croze aura peut-être droit en prime à un vrai succès commercial.

Un grand virage, pour elle, sans l'ombre d'un doute.

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Je l'aimais
sera distribué au Québec par Film Séville à l'automne 2009.