Marc-André Grondin est devenu l'un des jeunes acteurs les plus en vue du cinéma français. Après avoir tourné en Louisiane Le caméléon, un film de Jean-Paul Salomé, la star de C.R.A.Z.Y. est montée à Paris pour amorcer le tournage de Bus Palladium, le premier long métrage de Christopher Thompson en tant que réalisateur.

«Elle a la nature, et c'est de la haute couture; elle a 20 piges, et c'est de la haute voltige!» Sur la scène du Bus Palladium, une boîte qui a marqué les virées musicales parisiennes dans les années 70 et 80, le chanteur attaque inlassablement le début de cette chanson rock aux accents un peu country. Une fois, 10 fois, 20 fois. Il est accompagné de son «band». Dans lequel se trouve un guitariste, son meilleur ami. Devant eux, quelques centaines de figurants entassés sur quelques mètres carrés par une chaleur d'au moins 3000 degrés s'enthousiasment à chaque prise. Les assistants hurlent les indications pour se faire entendre dans tout le brouhaha. Régulièrement, on vaporise les visages des musiciens, on replace une mèche rebelle, on s'assure que tout est toujours «raccord». En cette soirée de fin d'avril, Christopher Thompson tourne Bus Palladium, son premier long métrage. Dont l'une des têtes d'affiche est un dénommé Marc-André Grondin.

«Un tournage en France ne se déroule pas du tout de la même façon qu'au Québec, fait remarquer l'acteur entre deux prises, au cours d'une interview accordée à La Presse. Chez nous, la pellicule est tellement précieuse qu'un cinéaste est pratiquement obligé de faire son découpage au moment où il tourne. Ici, les ressources semblent illimitées à cet égard. De sorte qu'un réalisateur n'hésite pas à se «protéger» en tournant une scène sous tous les angles possibles et imaginables, pour ensuite avoir la possibilité de faire son découpage à l'étape du montage. Un film tourné en 11 semaines ici pourrait probablement être tourné en deux fois moins de temps à Montréal!»

Dans Bus Palladium, qui relate l'histoire d'une amitié entre deux jeunes hommes formant un groupe de rock au début des années 80, Grondin incarne un guitariste. Qui accepte de mettre de côté une carrière d'architecte afin de permettre à son ami d'enfance, interprété par Arthur Dupont (vu notamment dans Les amours d'Astrée et de Céladon d'Éric Rohmer), d'aller au bout de ses aspirations artistiques. L'aspect musical du film n'a pourtant pas constitué l'attrait principal pour le Québécois, qui fut batteur pour le groupe Nitrosonique.

«Il est certain que la musique constitue une valeur ajoutée, précise-t-il. À la lecture du scénario, j'ai cependant été attiré principalement par l'histoire d'amitié autour de laquelle le récit est construit. Ces deux gars-là sont rendus à un âge où ils doivent faire des choix. Je trouvais belle l'idée que l'un d'eux soit prêt à se sacrifier pour aider l'autre à réaliser son rêve. En fait, c'est une histoire d'amour très fort entre les deux, sans attirance sexuelle toutefois. C'est plutôt rare de voir ça au cinéma, me semble-t-il. L'un est une espèce de Jim Morrison sur la coke; l'autre est beaucoup plus terre à terre et maintient l'équilibre. L'arrivée d'une fille entre les deux remettra évidemment bien des choses en question.»

Pour les besoins de la cause, Marc-André Grondin a dû apprendre la guitare, un instrument qu'il ne maîtrisait pas d'emblée. Pendant quelques semaines avant le tournage, l'acteur s'est astreint à trois heures de répétitions quotidiennes.

«Le plus grand défi, en fait, est d'avoir l'air d'un vrai guitariste! explique-t-il. D'autant plus que dans mon propre band, j'ai plus l'habitude d'être en retrait derrière mon drum. Mais j'aime ça. Et comme j'ai toujours quelque chose à améliorer, mettons que ça me dérange moins de recommencer la même prise 40 fois!»

Beaucoup de propositions

Désormais très sollicité par les cinéastes français, Marc-André Grondin reste prudent et tient à conserver sa marge de manoeuvre. Il voit la Ville lumière comme un lieu de travail essentiellement, un endroit où il «bosse» six mois par an. Pas comme l'endroit où il vit. L'acteur québécois se résignera toutefois à se trouver un appartement à Paris, histoire de mieux gérer les différents objets qui s'accumulent au fil des séjours dans les chambres d'hôtel et les meublés.

Lauréat du César du jeune espoir masculin grâce à sa performance dans Le premier jour du reste de ta vie (Rémi Bezançon), Grondin fait maintenant partie des acteurs qui comptent en France. Il peut faire des choix.

«On me propose souvent des premiers ou des deuxièmes films, constate l'acteur. Des scénarios écrits par de jeunes auteurs-cinéastes. Je ne peux pas vraiment expliquer pourquoi ces gens-là pensent à moi, d'ailleurs. J'entends parfois dire que c'est une question de style de jeu, plus naturel, plus «nord-américain». En tout cas, il semble que j'ai quelque chose qui les fait «tripper». Enfin, je ne sais pas trop exactement. Donc je ferme ma gueule! lance-t-il en riant. Je n'irai certainement pas les convaincre du contraire...»

Un anonymat relatif...


Pour l'instant, Marc-André Grondin savoure le relatif anonymat dont il dispose encore en France.

«On me reconnaît parfois dans la rue, mais cela n'a rien à voir avec la pression que subissent les vedettes qui se retrouvent à la une de tous les journaux «people». Sur ce plan, mon absence de la cérémonie des Césars - je tournais alors Le caméléon en Louisiane - a probablement contribué à maintenir cette discrétion. Aucune photo de moi n'a été publiée dans les journaux le lendemain, pas plus qu'il n'y a eu de clip à la télé dans lequel on m'aurait vu. Il y a un petit côté mystérieux qui reste et j'avoue préférer cela. Ici, quand ça part sur le plan médiatique, ça part! Et tu n'as plus de contrôle. Je n'ai pas vraiment envie d'être suivi par une meute de paparazzis dès que j'entre dans un resto.»

Après le tournage de Bus Palladium, qui se poursuit jusqu'à la mi-juin, l'acteur compte prendre des vacances. Aucun projet ne figure encore «officiellement» sur son «planning».

«J'ai besoin de faire une petite pause, dit-il. Il y a longtemps que je ne me suis pas arrêté!»
Au cours de la dernière année, l'acteur a en effet enchaîné les tournages de 5150, rue des Ormes (le thriller d'Éric Tessier prend l'affiche au Québec le 9 octobre), du film de Jean-Paul Salomé Le caméléon (dans lequel il donne la réplique à Ellen Barkin), et enfin celui de Bus Palladium. Dont la sortie est prévue l'an prochain.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.