Grosses lunettes rouges 3D sur le bout du nez, les festivaliers ont pu goûter en première mondiale, mercredi matin, en lever de rideau du Festival de Cannes, au dernier-né de Pixar/Disney, Up, conçu au coût de 150 millions $. Pas le meilleur en son genre, mais pas le pire non plus. Plus touchant que drôle, à vrai dire.

D'ailleurs, à mesure de l'avancée de la technologie d'animation, un film comme Histoire de jouets ressemble presque à un objet de musée. Comme si la chose était possible - et il semble que ce soit encore et toujours le cas -, l'enrobage visuel d'Up est franchement impressionnant. L'effet 3D ajoute une touche supplémentaire de «plus vrai que vrai», quoique les images sont plus chatoyantes à l'écran lorsqu'on enlève nos lunettes, étrange...

À l'inverse, dommage que le scénario laisse un peu froid, malgré quelques bons flashs. Cette histoire d'un vieux veuf grincheux (voix de Charles Aznavour dans sa version française, baptisée Là-haut), parti en Amérique du Sud à bord de sa maison portée dans les airs grâce à des... milliers de ballons gonflés à l'hélium, est divertissante dans sa première partie, mais s'essouffle quelque peu par la suite.

Carl, ce vieillard de 78 ans, sorte de croisement entre Walter Matthau et Spencer Tracy, est accompagné malgré lui dans son voyage par Russell, un scout joufflu de huit ans qui trouvera en lui le père qui lui manque cruellement.

 

Qui dit Disney/Pixar dit animaux, marketing oblige. Dans Up, ils ont pour nom Doug, un golden retriever muni d'un collier lui permettant de parler, et de Kevin, une espèce d'autruche géante et multicolore, qui raffole du chocolat. Carl, Russell et leurs deux compagnons auront fort à faire pour se sortir des griffes d'un vieil explorateur caché au fond de la jungle et protégé par une meute de chiens féroces, dont un doberman doté d'une voix à la... Tweety the Bird.

Il s'agissait de la première fois qu'un long-métrage d'animation avait le privilège d'inaugurer le Festival de Cannes. Pour l'occasion, le grand patron de la création artistique des studios Disney et Pixar, John Lasseter, s'était déplacé jusque sur la Croisette. Avec sa traditionnelle chemise hawaïenne, camouflée par un veston...

Énormes possibilités

En conférence de presse, le réalisateur des deux épisodes d'Histoire de jouets, flanqué du réalisateur d'Up, Pete Docter, a indiqué qu'on n'avait pas encore saisi les incroyables capacités du film d'animation 3D. Mais au-delà de la quincaillerie, c'est la qualité de l'histoire qui prime, croit-il. C'est le gage du succès, en animation comme en cinéma traditionnel.

«Quand nous avons fait Histoire de jouets, en 1995, nous savions que peu de temps après, la technologie serait dépassée. Le film d'animation va encore évoluer. Les réalisateurs auront d'énor­mes possibilités d'illustrer ce qu'ils veulent raconter, croit Lasseter. Sauf qu'il faut y mettre beaucoup de temps. Il n'y a rien de gratuit. Dans Up, chaque scène, chaque objet, chaque arbre de la jungle, chaque nuage a été pensé, réfléchi, placé au bon endroit.

«Quand j'ai débuté dans le métier, mon mentor me disait de penser d'abord et avant tout aux personnages, poursuit Lasseter. C'est un conseil dont je me suis toujours souvenu et que je répète à mon tour aux artistes de Disney/Pixar. Ce qui compte, ce sont les personnages et la façon d'exprimer ce qu'ils ressentent. C'est ainsi qu'on peut aller chercher le spectateur.»

Le 3D, la voie de l'avenir

John Lasseter ne croit pas que l'animation soit le parent pauvre du septième art, bien au contraire. «Des classiques ­comme Dumbo et Blanche-Neige ont été vus et revus par plusieurs générations, autant par les enfants que par les adultes. Ils sont là pour toujours.»

D'ailleurs, la technologie 3D s'implante à vitesse grand V. Tous les films de Disney/Pixar à venir seront diffusés dans ce format, à la faveur de la multiplication des salles équipées pour en assurer la projection. Lors de l'acquisition de Pixar par le patron d'Apple, Steve Jobs, en 1985, celui-ci avait déclaré que l'animation 3D lui semblait aussi prometteuse que l'ordinateur personnel à la fin des années 70.

Le père de Star Wars, George Lucas, songe à sortir une version 3D de son classique de science-fiction. James Cameron (Titanic) lancera en décembre son ambitieuse production Avatar, également en 3D, comme toutes les autres qu'il tournera dans l'avenir, a-t-il indiqué au Hollywood Reporter.

Sur un ton plus léger, à un journaliste brésilien lui racontant l'histoire semble-t-il véridique d'un homme disparu au large après s'être attaché à des ballons, le réalisateur Peter Docter (Monstres, inc.) a préféré en rire. «Nous avons consulté des scientifiques chez Pixar et ils ont calculé qu'il faudrait trois millions et demi de ballons pour soulever une maison comme celle de Carl...»