Deux romances aux antipodes étaient à l'affiche du Festival de Cannes vendredi, les délicates amours du poète romantique John Keats narrées par la Néo-Zélandaise Jane Campion, et une passion baroque et sanglante entre vampires du Coréen Park Chan-Wook.

Familière de Cannes où l'un de ses courts métrages avait été primé en 1986, avant d'être la seule femme à remporter la Palme d'or en 1993 avec La leçon de piano, Jane Campion revient en compétition, à 55 ans, avec Bright Star dont le titre est emprunté à un poème de l'écrivain romantique britannique John Keats (1795-1821).

Ce film, dont la forme s'inspire des «ballades» écrites par Keats, évoque les amours chastes et passionnées entre le poète et sa fiancée Fanny Brawne, qu'il n'épousera jamais, terrassé par la tuberculose à 25 ans.

Puisant dans la biographie et la correspondance de Keats, interprété par Ben Whishaw, Jane Campion a dû en revanche, faute de documents d'époque, «inventer l'histoire entre les faits» pour imaginer Fanny Brawne, interprétée par la jeune Australienne Abbie Cornish.

Portraitiste de femmes, Jane Campion centre son récit sur cette jeune bourgeoise au caractère indépendant, spirituelle et courtisée, dont la grande créativité s'exprime dans l'un des domaines alors réservés aux femmes, la couture.

Formée aux Beaux-Arts, la cinéaste souligne l'opulence de l'univers bourgeois et ses codes puritains, mais aussi la délicatesse des sentiments des protagonistes, à travers le cadre, la lumière et une riche palette chromatique qui évoquent tantôt l'aquarelle, tantôt la peinture flamande.

La division des sexes apparaît ainsi dans le contraste entre les tons sombres des boiseries et du cuir des salons regorgeant de livres où se réunissent les hommes - à qui l'intellect est réservé -, et les tissus vaporeux, les fleurs et les rubans qui caractérisent le monde des sentiments supposé féminin.

Mais à mesure que l'amour s'épanouit, ces deux univers fusionnent : Fanny s'initie à la littérature et se drape de velours bleu, tandis que John retrouve l'inspiration au fil de longues ballades dans la nature avec sa bien-aimée.

Le plus souvent statique, la caméra de Jane Campion s'élève parfois vers le ciel en un mouvement élégiaque évoquant l'inspiration littéraire, comme pour illustrer les mots de Keats: «La poésie invite l'âme à accepter le mystère».

Bright Star a divisé au cours de sa projection de presse, certains aficionados de Jane Campion se disant peu touchés par cette histoire tandis que d'autres étaient conquis par la sensualité du film.

«Ce qui était important pour moi, c'était de raconter une histoire intime et de ne pas tenir compte du fait que c'était un film d'époque (...) Je voulais que les personnages soient réellement présents, peu importe l'époque» a déclaré Jane Campion à la presse.

Changement radical avec Thirst, ceci est mon sang de Park Chan-Wook, lui aussi en compétition cinq ans après le Grand prix du Jury remporté à Cannes avec son film Old Boy.

Ce conte cruel et baroque, aux péripéties parfois totalement loufoques, met en scène un prêtre coréen (Song Kang-Ho) parti en Afrique tester un vaccin contre un mystérieux virus mortel. Alors qu'il est souffrant, une transfusion sanguine le transforme en vampire.

Il tombe alors amoureux de l'épouse (Kim Ok-vin) et souffre-douleur d'un ancien camarade d'école, qui devient vampire à son tour pour venger une vie d'humiliations.

Premier film coréen financé par un grand studio hollywoodien, Universal, Thirst ravira les fans de Park Chan-Wook par sa virtuosité formelle, son humour grinçant et son univers sombre.