Une jeune fille de 19 ans, nouvelle maman depuis moins d'une semaine, recrutée sur le quai d'une gare, se pose en candidate sérieuse au prix d'interprétation féminine à Cannes. Katie Jarvis a charmé la Croisette, jeudi, dans un rôle poignant d'une adolescente en crise, dans Fish Tank, de la cinéaste Andrea Arnold.

«Nous avons trouvé Katie dans une gare, alors qu'elle se disputait avec son petit ami», a expliqué jeudi en conférence de presse la réalisatrice britannique, au sujet de la nouvelle star cannoise, absente pour cause de maternité.

«Elle n'avait aucune expérience de cinéma. Elle a trouvé les longues journées de tournage assez difficiles. Dommage qu'elle ne soit pas ici pour vous en parler.»

Dans la veine d'un cinéma réaliste, inspiré de Ken Loach et Mike Leigh, Fish Tank raconte l'histoire de Mia, 15 ans, une adolescente rebelle, colérique et drop-out d'un quartier pauvre de l'Essex, qui entretient une relation houleuse avec sa mère, une femme portée sur la fête et l'alcool. Dans cette famille, qui compte aussi une fillette d'une dizaine d'années, l'amour se traduit par des mots doux comme connasse, pétasse et grosse pute...

 

Pour échapper à son morne quotidien, Mia se réfugie dans la musique et la danse hip-hop. Une audition à un concours est le seul point positif de sa vie. Jusqu'à sa rencontre avec le nouveau petit ami de sa mère (Michael Fassbender). Du coup, la féminité naissante de Mia sera mise en ébullition au contact de ce bellâtre avenant et attentionné.

«Il existe plein de zones d'ombre dans les personnages, ce qui amène le spectateur à se poser plein de questions sur ce qu'ils font», mentionne Michael Fassbender, la jeune star montante de sa génération. L'Allemand de 32 ans est un nom à surveiller. Il est extraordinaire dans La grève de la faim (présenté à Cannes l'an dernier et à l'affiche vendredi au Clap). On l'attend aussi avec impatience dans le dernier Tarantino, Inglorious Basterds, présenté en première mondiale à Cannes, mercredi.

Danser pour se protéger

La danse occupe une grande place dans Fish Tank (qu'on pourrait traduire par vivier). «C'est un moyen d'expression remarquable. Même moi, lorsque j'étais à l'hôtel, un peu stressée, je me suis mise à danser. C'est un moyen très efficace pour atténuer les tensions», mentionne Andrea Arnold.

«Pour le personnage de Mia, poursuit-elle, c'est une façon de se protéger. L'immersion dans la danse lui permet d'être véritablement elle-même. Mais lorsqu'elle est venue en audition, Katie [Jarvis] n'a pas voulu danser devant nous. Elle n'aimait pas vraiment danser à vrai dire...»

Andrea Arnold n'est plus une inconnue à Cannes. En 2006, elle avait raflé le Prix du jury pour son mystérieux Red Road. Ce solide et très sensible Fish Tank ne peut que lui assurer un autre prix cannois. La compétition est encore jeune, mais le Prix de la mise en scène n'est pas exclu, voire le Grand Prix. À moins qu'Isabelle Huppert et les membres du jury soient touchés par la performance de Jarvis au point de lui décerner le Prix d'interprétation féminine.

Voilà qui lui donnerait une bonne raison de danser. Cette fois, avec son poupon dans les bras...

Les films vus à Cannes

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Fish Tank
(Andrea Arnold/Angleterre

Une adolescente de 15 ans (Katie Jarvis), rebelle et drop-out, s'amourache du nouveau petit ami de sa mère (Michael Fassbender). Portrait dur et touchant d'une relation mère-fille tordue. Notre premier coup de coeur. Une présence au palmarès à prévoir. Un prix d'interprétation féminine pour la jeune Jarvis?

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My Neighbor, My Killer
(Anne Aghion/France)

Quinze ans après le génocide rwandais, la réalisatrice Anne Aghion explore les pénibles efforts de réconciliation entre Tutsis et Hutus. Un documentaire courageux sur le pouvoir salvateur du pardon.

AUJOURD'HUI

- Bright Star (Jane Campion/Angleterre)
- L'épine dans le coeur (Michel Gondry/France)
- Precious (Lee Daniels/États-Unis)
- Ne te retourne pas (Marina De Van/France)