Xavier Dolan a seulement 20 ans et un seul film derrière la cravate, J'ai tué ma mère, qu'il est venu présenter à la Quinzaine des réalisateurs, hier, à Cannes. Un seul long métrage ne fait pas une carrière, mais ce garçon à la répartie facile et qui n'a pas froid aux yeux est bien parti pour en avoir une belle.

Flanqué de celle qui joue sa mère honnie dans son film (Anne Dorval), le «Arthur Rimbaud des temps modernes», comme l'a baptisé un journaliste français en conférence de presse, savourait, malgré une nuit de sommeil trop courte, la joie d'avoir passé l'épreuve du feu.

Anne Dorval émue

La plus émue était certainement Anne Dorval, qui devait voir le film pour la première fois hier soir, avec le public. «Je vais rester à l'arrière, je suis trop terrorisée», a-t-elle confié au Soleil.

 

Plus tôt, la célèbre héroïne du Coeur a ses raisons avait littéralement fondu en larmes, en apprenant au téléphone que le public avait applaudi à une scène hilarante du film, alors qu'elle sert une volée de bois vert au téléphone à un directeur d'école jugeant qu'une présence masculine ferait le plus grand bien à son fils, en fugue du pensionnat où il a été placé de force.

Il s'agit là d'un moment parmi d'autres où cette mère monoparentale en arrache avec son adolescent de 17 ans. Car le jeune Hubert déteste sa mère comme c'est pas permis. «J'sais pas ce qui s'est passé, quand j'étais petit, je l'aimais. Je pourrais être le fils de n'importe qui, mais pas d'elle...», avoue-t-il en ouverture.

Cette obsédante relation de haine entre ce fils et sa mère imprègne tout le film, de façon dramatique bien sûr, mais aussi sur un ton léger. Dolan a un talent certain pour raconter une histoire. Ses cadrages, sa mise en scène, ses dialogues, ses parenthèses oniriques, l'ensemble de son film est construit de façon subtile. Contrairement à C.R.A.Z.Y., qui se déroulait à une autre époque il est vrai, le thème de l'homosexualité juvénile demeure en retrait et ne devient pas l'enjeu du film.

Au-delà de son titre annonciateur d'un drame imaginaire, le film du jeune Dolan est aussi (et surtout) une déclaration d'amour, celle d'un fils qui sait au fond de lui, malgré ses cris et insultes, qu'il aime sa mère davantage qu'il veut bien se le faire croire. Quelque part, on pense à un Bon débarras, version fils-mère.

Et de toute évidence, il en a bouffé de la pellicule, le jeune, avec ses clins d'oeil à plusieurs réalisateurs : Paul Thomas Anderson, Gus Van Sant, Wong Kar wai...

Il tenait à jouer le rôle

Xavier Dolan n'a jamais voulu une seule seconde confier le rôle principal de son film à quelqu'un d'autre. «J'ai toujours voulu le jouer car j'ai trop souffert d'avoir été un acteur à qui l'on a toujours dit : trop jeune, trop vieux, trop petit... Comme dans la rengaine barbante, le téléphone avait arrêté de sonner. J'assume complètement mon narcissisme...»

Même si son film est inspiré en partie d'une relation houleuse avec sa mère, le cinéaste croit que celle-ci saura en saisir les nuances. «Ce sera peut-être un choc pour elle, mais elle va comprendre le message d'amour. Je vais m'assurer qu'elle le voit dans une intimité propice à une bonne compréhension.»

Rusé et débrouillard, le jeune Dolan s'est rendu jusqu'à Cannes avec un film de 800 000 $, où il a investi toutes ses économies, avant de voir la SODEC (mais non Téléfilm Canada) sauter dans le bateau in extremis. Chapeau!

Sans doute aura-t-il moins de mal à attacher les ficelles de son prochain film, Laurence Anyways, portant sur la transexualité. Déjà, un rendez-vous avec une importante boîte de production française figurait hier à son agenda. La suite l'an prochain à Cannes?