À mi-parcours d'un 62e Festival de Cannes riche en genres divers où la comédie, la chronique sociale et le policier se partagent l'affiche, Un prophète du Français Jacques Audiard, un haletant film noir sur l'univers carcéral, était le favori pour la Palme d'or décernée dimanche.

Mardi matin, ce film qui révèle un candidat sérieux au Prix d'interprétation, le jeune Tahar Rahim, 27 ans, était en tête des films les plus appréciés par les critiques internationaux interrogés par le magazine professionnel Screen.

Il était suivi de près par le délicat et romantique Bright Star, récit des amours du poète John Keats par la Néo-Zélandaise Jane Campion et Looking for Eric, une irrésistible comédie sociale où le Britannique Ken Loach met en scène le joueur de soccer Éric Cantona, plus vrai que nature.

Mis à part le dérangeant Antichrist du Danois Lars von Trier, rejeté par des critiques qui ont déploré sa violence tout en dressant l'inventaire précis des sévices portés à l'écran, et Nuits d'ivresse printanière du Chinois Lou Ye qui n'a pas marqué les esprits, les films ont été bien reçus.

Dévoilé mardi, Étreintes brisées de l'Espagnol Pedro Almodovar a été chaleureusement accueilli par la presse avant sa projection de gala dans la soirée, sans susciter toutefois le même engouement que Volver ou Tout sur ma mère. Plus timidement applaudi, Vincere de l'Italien Marco Bellocchio, avait toutefois de fervents défenseurs.

Penélope Cruz, jeune secrétaire métamorphosée en femme fatale dans le premier et Giovanna Mezzogiorno qui campe la maîtresse cachée de Mussolini dans le deuxième, pouvaient prétendre au prix d'interprétation.

Mais Katie Jarvis, Anglaise débutante de 17 ans, a fait forte impression en adolescente rebelle dans Fish Tank, une belle chronique sociale signée Andrea Arnold, tout comme la Française Charlotte Gainsbourg qui ose toutes les transgressions dans Antichrist.

«La sélection reflète tous les styles : avec Bellocchio, splendide, l'expressionnisme allemand, avec Audiard le réalisme brutal, tandis que Jane Campion renouvelle le film en costume», a affirmé Michel Ciment, directeur de la publication de la revue française de cinéma Positif.

Depuis l'ouverture, vrais cinéphiles et amateurs de films de genre s'en sont donné à coeur joie avec un baroque film de vampires brillamment réalisé par le Coréen Park Chan-wook, Thirst, ceci est mon sang ou le policier Vengeance où le hongkongais Johnnie To signe quelques scènes d'action à couper le souffle.

Cannes s'est aussi «délecté de la comédie douce-amère de Ken Loach», note Giovanna Grassi du quotidien italien Corriere Della Sera, trois jours après l'excellent accueil réservé à une autre comédie, Taking Woodstock d'Ang Lee.

«C'est une bonne sélection, une compétition variée. On a l'impresison d'avoir tous les genres, tous les styles de cinéma réunis», a déclaré à l'AFP Mathilde Lorit, envoyée spéciale du magazine américain Rolling Stone.

«Sans aucune réserve, le Audiard se détache, avec sa brillante mise en scène, son sujet très fort, ses acteurs remarquables. Mais j'ai beaucoup aimé le Lars von Trier, un peu outrancier par moments. J'ai vécu une expérience de cinéma totale, j'ai suivi le trip de la folie, de la panique de cette femme», a-t-elle ajouté.

Le petit jeu des pronostics était toutefois prématuré, quelques poids lourds devant encore entrer en piste, en particulier l'Américain Quentin Tarantino avec Inglourious Basterds et le Français Alain Resnais et ses Herbes folles mercredi, ou encore l'Autrichien Michael Haneke avec Le ruban blanc jeudi.