Elle a consacré son plus récent documentaire, Birlyant, à une musicienne Tchétchène qui, par le chant, redonne vie à son pays, sa culture, son peuple et son mari disparu. Autre temps, autre guerre: dans Les rendez-vous de Sarajevo, Helen Doyle retrouvait deux jeunes Bosniaques devenus Québécois, et se souvenait de la guerre.


Pourtant, Helen Doyle se souvient avoir été surprise par le thème choisi par Fabrice Montal, le conservateur de la Cinémathèque québécoise pour sa rétrospective: L’exil et l’engagement. «Pourquoi l’exil? Ce mot a une signification concrète, mais pour moi, les exilés, ce sont aussi les gros (Je t’aime gros, gros, gros), les dépressifs (Les mots/maux du silence)», répond-elle.


L’œuvre d’Helen Doyle, on le comprend, est faite d’engagement. Dans Les messagers, Helen Doyle a évoqué le combat contre la barbarie d’artistes engagés. Parmi eux, Susan Sontag, mais aussi Daniel Mermet, homme de radio français connu pour ses positions à gauche (il présente sur France Inter l’émission Là-bas si j’y suis).


«L’engagement, c’est par rapport à moi, par rapport à l’écriture, explique d’abord Helen Doyle. Ensuite, il y a eu Sarajevo. Je reprends les mots de Daniel Mermet à mon compte: là-bas, si j’y suis, en étant ailleurs, on regarde les choses autrement.»


La guerre et la barbarie ont suscité de véritables questionnements chez l’artiste. «On essaie toujours de comprendre pourquoi. Il y a beaucoup d’enjeux politiques, sociaux et économiques. Quand je suis rentrée à Sarajevo, j’avais honte d’être humaine. Mais à travers ça, il y a des rencontres étonnantes, avec des Mahir ou des Birlyant. Des gens étonnants dans la douleur, qui montrent comment l’être humain peut être magnifique», poursuit-elle.


Sa carrière de vidéaste et cinéaste a été marquée à ses débuts par Vidéo Femmes, un centre de production pour réalisatrices. Elle y conçoit C’est pas le pays des merveilles ou encore Les maux/mots du silence, des films marqués par la maladie psychiatrique et l’isolement. Elle quitte le groupe dans les années 80.


«Notre groupe était assez dynamique dans les années 70 et 80, mais je voulais aussi explorer un langage, un univers, sortir de ce que l’on connaissait. J’avais besoin de prendre de l’air: avec Les mots/maux du silence, j’ai travaillé pendant cinq ans avec des psychiatres, dans la folie mur à mur», se souvient-elle.


Le voyage à travers son œuvre, Helen Doyle l’a voulu comme un voyage dans le temps. D’abord les films les plus récents, ensuite les premières œuvres. «C’est sûr que les premiers documentaires ont été faits avec des moyens ou des caméras pas très sophistiqués. Je me suis aperçue, pour ces films-là, que la qualité s’est dégradée: ça peut rebuter», dit-elle.


Voilà pour la raison pratique de cette rétrospective à l’envers. En un sourire, la réalisatrice glisse aussi une autre raison pour aller à rebours. «Par esprit de contradiction ou de rébellion, peut-être, sourit-elle. C’est un exercice pour moi aussi de les revoir, de voir quel chemin on a fait.»

_________________________________
Rétrospective Helen Doyle, jusqu’au 30 mai, à la Cinémathèque québécoise. Infos: www.cinematheque.qc.ca