Elle a un nom d'oiseau de proie, mais Noomi Rapace est douce comme un agneau. Pour son premier grand rôle au cinéma, la jeune Suédoise au look... latino chausse les souliers de Lisbesth Salander, la ha-ckeuse gothique de la trilogie Millenium. Et de l'avis de tous, c'est elle la révélation du film.

En entrevue au Soleil, dans un chic hôtel de la Croisette, l'actrice de 29 ans, née d'une mère actrice suédoise et d'un père espagnol, avoue qu'elle ne pensait jamais obtenir ce rôle qui, de toute évidence, risque de changer sa vie à jamais. De l'Islande, où elle a passé une partie de son enfance, jusqu'à la Croisette, où elle est venue faire la promotion du film, voilà un parcours pas trop mal pour une jeune fille qui n'a jamais pris de cours de théâtre.

Noomi Rapace ne correspondait pas au personnage tomboy de Lisbeth, elle qui a fait tourner bien des têtes à Cannes. «J'étais tellement certaine de ne pas être retenue, explique-t-elle. Le personnage ne correspondait pas à ce que je suis. Je me pensais trop féminine. Mais j'ai insisté auprès des producteurs pour qu'ils me donnent une chance. Je pouvais changer mon apparence. Je pouvais être grosse, mince, avoir les cheveux longs ou courts, avoir des piercings, devenir plus masculine, tout. Je pouvais me changer complètement pour avoir le rôle. C'est dans mon métier d'actrice de pouvoir m'adapter à un personnage, n'importe lequel. Je n'ai peur de rien.

«Mais quelque part, précise-t-elle, je ne suis pas si éloignée que ça de Lisbeth. Moi aussi j'ai travaillé fort pour me rendre où je suis, pour devenir qui je suis. Elle ne cherche pas à jouer à la victime. Elle continue à trouver une façon de survivre, de suivre sa voie. Elle trouve toujours une façon de s'en sortir. C'est peut-être pour cette raison que les lecteurs l'aiment tant.»

Une fois le rôle décroché à son grand bonheur, la bagarreuse Noomi s'est attelée à la tâche afin de se fondre dans le personnage de Lisbeth. Au programme : sports de combat, séances de musculation, cours de conduite de moto.

Il lui restait ensuite à rendre le personnage de la façon la plus crédible possible devant la caméra. «La pression et les attentes étaient si élevées. Je savais que tout le monde m'attendait, que chaque lecteur avait sa propre opinion sur Lisbeth. J'ai décidé de trouver ma propre vérité dans le personnage. De toute façon, je ne pouvais satisfaire tout le monde. Pas plus que je lis les critiques sur le film. Je n'aime pas lire sur moi, me voir de l'extérieur.»

Choses noires et sales

Un peu comme tout le monde, la jeune femme n'a jamais vu venir le succès phénoménal de la trilogie Millenium. À son avis, si les Suédois ont dévoré les livres, c'est sans doute parce que l'écrivain Stieg Larsson a su capter la face sombre du pays.

«Il est allé voir sous le tapis les choses noires et sales qui s'y cachaient, avance-t-elle. De l'extérieur, la Suède semble être le beau pays du monde, mais nous avons l'un des plus hauts taux de suicide au monde. Mais personne veut en parler. On cache tout. Tout est tabou.

«C'est un peu dans la nature des Suédois, poursuit-elle. Personne ne doit parler trop fort, personne ne doit faire trop de bruit, tout le monde doit être poli. On veut être aimé de tout le monde. On veut être amis avec les Américains et les Russes. Tout est toujours très diplomatique.

«Mais ce qui se passe en dessous des apparences est plus complexe. Ça amène les gens à être de véritables bombes à retardement. Si on veut changer les choses, il faut être capable d'en parler.»