Vincent Lindon n'aime pas accorder des entrevues. C'est peut-être pour cette raison qu'il est si passionnant... quand on parvient à le tenir au bout du fil. Conversation avec un homme qui n'aime pas le principe des quatre chemins.

On l'a vu dans des comédies et dans des drames. Il a travaillé avec des réalisateurs d'expérience et devant des metteurs en scène faisant leurs premières armes. Certains de ses films ont été portés aux nues par la critique et d'autres, démolis. Sa ligne directrice à lui, Vincent Lindon: faire ce qu'il aime. C'est dans cet esprit-là, très «pour lui», qu'il a fait Pour elle.

Le premier film de Fred Cavayé... même si pour l'acteur, joint au téléphone chez lui à Paris, les «premières fois» sont une vue de l'esprit: «Dans le cas d'un parent, est-ce qu'on peut dire: «C'est un premier enfant, alors je vais mal l'élever?» Est-ce qu'on s'attend à moins d'un pilote d'avion qui fait son premier vol que d'un vétéran? Orson Welles a fait un premier film et c'était Citizen Kane... Est-ce qu'on peut parler de ça comme d'un premier film? Il n'y a pas de premières fois, il y a des gens qui ont du talent dans ce qu'ils font et il y en a qui en ont moins. Fred en a. Plus que de savoir manier une caméra, il a un point de vue.»

Vincent Lindon a senti cela immédiatement. En fait, il l'a «lu», dans le scénario de Pour elle. Un thriller dans lequel il incarne Julien, un prof, marié et père. Train-train quotidien, ronron routinier. Et soudain, l'inconcevable: ils sont autour de la table familiale quand la police débarque, arrête sa femme, Lisa (Diane Krueger). Elle est accusée de meurtre. Elle sera déclarée coupable. Affirme son innocence. La famille de Julien n'est pas éclatée, elle est pulvérisée. Il ne peut, ne veut l'accepter. Il décide de faire évader son amour. Mais la décision n'est que le premier pas d'une route longue et ardue.

«Dans cette époque où les gens ont de moins en moins de courage, où ils prennent de moins en moins position, lire ce personnage prêt à faire tout ça par amour, ça marque.» Il n'a pas hésité longtemps pour dire oui à Fred Cavayé. «J'ai tout de suite eu envie de devenir ce Julien.»

Sinon, il aurait refusé. «Les films, vous savez, c'est une affaire de plein de choses... en tout cas, pour moi. Il y a un avant, un pendant et un après. Si je sens qu'une de ces trois étapes ne m'ira pas, je ne fais pas le film. J'aime mieux ne pas être accompagné qu'être mal accompagné», fait celui pour qui «le cinéma n'est pas une fin en soi»: «Ce qui m'intéresse, c'est jouer des personnages qui me plaisent, avec des metteurs en scène qui me plaisent. Je ne fais pas du cinéma pour avoir une limousine devant ma porte et des gens au garde-à-vous devant moi.»

Oui, Vincent Lindon est un esprit libre et son parler est franc, direct. Il n'accorde que peu d'entrevues, juge que les journalistes devraient plutôt interviewer les réalisateurs, qui ont plus et mieux à dire sur leurs oeuvres. Les comédiens, selon lui, devraient arrêter de vivre tout le temps sous les projecteurs: «S'il n'y a plus de stars ni de légendes, c'est qu'on n'arrête pas de demander aux acteurs ce qu'ils pensent, ce qu'ils font, comment et pourquoi. On les filme partout, on va chez eux. Je trouve ça déplorable et très triste.»

Ce qui explique pourquoi, quand on lui demande de parler de Julien, il répond: «Non.» Mais encore? Non. Parce qu'il ne veut pas sombrer dans la banalité: «Vous savez, il y a cette mode de dire: «Mon personnage est à la fois fort et vulnérable.» Ça me fait rire et ça m'ennuie de lire ce genre de conneries.» Alors, n'imaginez pas qu'il va en dire de semblables. Parler de Julien, bien parler de Julien, ce serait parler pendant six heures. «Je vous suggère plutôt d'aller voir le film et vous le comprendrez en une heure et demie.» Après tout ce «droit au but», comment ne pas le croire?
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Pour elle prend l'affiche le 12 juin.