Depuis Saints-Martyrs- des-Damnés, un film de genre fantastique, et l'inédit À quelle heure le train pour nulle part, Robin Aubert s'est consacré à l'écriture de plusieurs projets. Parmi eux, À l'origine d'un cri, un road-movie poétique inspiré par sa famille, en tournage actuellement.

Un homme (Michel Barrette), son père (Jean Lapointe), son fils (Patrick Hivon). L'homme perd sa femme, l'amour de sa vie: parce qu'il n'a pas fini de l'aimer, parce qu'il ne peut pas la laisser partir, l'homme l'exhume et prend la fuite. Le père et le fils se lancent à sa poursuite.

«Cela m'a pris du temps à écrire ce scénario, à plonger, explique Robin Aubert. Les gens qui sont dans le film existent, puisque c'est inspiré de ma famille, même si cela reste une fiction. J'aime quand la fiction embrasse ou dépasse la réalité: je ne suis pas capable de faire les choses de façon réaliste, la vie s'en charge très bien.»

Point de fantastique cette fois chez Robin Aubert: son imagination le porte vers de très personnelles apparitions de choeurs qui, comme les choeurs antiques, entourent le personnage pour le spectateur. Les hommes sont plongés en pleine nature (le tournage doit d'ailleurs se déplacer sous peu vers la Côte-Nord).

Le contraste entre la grandeur du paysage et la petitesse des hommes intéresse Robin Aubert. «Ces gens, avec toutes les émotions qu'ils vivent, sont confrontés à la nature: tu te sens tout petit par rapport à ça, malgré tes émotions. On n'est pas grand-chose: on se demande à quoi servent toutes ces souffrances», dit-il.

En attendant la Côte-Nord, c'est à Vaudreuil-Dorion que le film se tourne: aux environs d'un bar de danseuses pour camionneurs. Entre deux prises, Michel Barrette, venu rencontrer la presse, donne même une petite visite de lieux - vestiaires des filles et fumoirs compris - qui lui rappellent un endroit où il a été portier, dans une autre vie.

Volubile, dynamique, le comédien ne cache rien du coup de coeur qu'il a eu en lisant le scénario de Robin Aubert. «J'ai réussi à me faufiler pour lire le scénario: je voulais absolument rencontrer Robin. Ça me rejoint tellement, je voulais tellement jouer ce rôle! J'ai l'impression de connaître Robin, il est sensible, adorable», explique le comédien.

Comme son personnage, Michel Barrette a lui aussi déjà éprouvé le deuil - non pas d'une personne, mais d'un amour. Et de raconter: «Si je suis honnête avec moi-même, ce film est comme une thérapie: il est question d'un amour extraordinaire et d'un qu'on n'arrive pas à faire. Cela me rejoint.»

Le choix d'un bum

Dans la peau du fils, Patrick Hivon tient, pour Robin Aubert, son premier rôle au cinéma. Une vraie révélation, assure le producteur Roger Frappier. Un homme qui, comme le réalisateur, a connu lui aussi la rage, dit Robin Aubert. «C'est un sentiment infaisable si tu ne l'as pas connu», souffle Aubert.

Patrick Hivon et Robin Aubert se sont déjà connus, la rage au poing. C'était dans un bar, il y a 10 ans. L'un était un jeune acteur et réalisateur en vue, l'autre un barman. Une remarque qui ne passe pas, et c'est la bagarre. «Après ça, il est venu me voir dans un autre bar: on en a bien ri. Je l'ai toujours respecté: il m'a donné confiance», se souvient le jeune homme.

Souvent choisi pour jouer les fils de bonne famille, Patrick Hivon, né dans un quartier tough, trouve avec À l'origine d'un cri une partition à sa mesure: celle d'un écorché vif. «J'étais très révolté à une certaine époque. Robin a vu quelque chose qui lui parlait là-dedans: il a vu un bum en moi, un gars des quartiers populaires», croit le comédien.

«Je suis fier de ce casting, et convaincu d'avoir choisi le bon acteur: je suis une boule de doute, mais c'est ma certitude», dit Robin Aubert.

Avec cette histoire d'hommes, le réalisateur espère couper court à son propre héritage familial, marqué, selon son propre mot, par la bourlingue. «Je fais mon film pour mon petit gars, ma petite fille: c'est un film d'amour, mais tout croche, malhabile, à mon image», dit-il.

Le producteur Roger Frappier (Dédé à travers les brumes) ne doute pas du talent de Robin Aubert, dont il a également produit le premier film. «Robin a vraiment écrit un scénario touchant: il raconte tout un drame, mais à travers ça, la vie jaillit», juge-t-il.

Produit avec le soutien de la SODEC et de Téléfilm, À l'origine d'un cri est doté d'un budget de 4,3 millions. Aucune date de sortie n'a été fixée pour le moment.