Enfin le grand soir? Après plusieurs échecs, la greffe 3D semble enfin prendre dans les salles de cinéma en 2009. Après Up, en attendant Ice Age, Toy Story et surtout Avatar, le prochain James Cameron, la 3D pourrait bien causer une révolution dans les salles de cinéma au Québec, comme dans le monde.

«Révolutionnaire.» «Aussi innovateur que le parlant ou la couleur.» Dans le milieu du cinéma on veut croire que diffuser des images en relief - ce qu'on appelle la 3D ou stéréoscopie pour les intimes - ramènera les spectacteurs en salle.

L'année 2009 voit se bousculer sur les écrans les productions utilisant cette technique, qu'il s'agisse du cinéma de genre (My Bloody Valentine 3D ou encore The Final Destination) ou du film d'animation (Up, actuellement à l'affiche, Ice Age 3 ou encore Toy Story, dont les deux premiers volets ressortent en 3D à automne en prévision de la sortie du troisième). Et DreamWorks Animation (à qui l'on doit Shrek) ne tournera qu'en 3D cette année.

«Chaque mois, il y a des salles qui s'ajoutent, essentiellement parce qu'il y a des films en 3D qui sortent», observe Simon Beaudry, le président de Cinéac. Sa firme comptabilise les recettes au guichet des salles de la province. Pour l'heure, 40 salles soit un vingtième du bassin sont équipées pour diffuser de projecteurs numériques et peuvent diffuser des films 3D. Un chiffre qui devrait encore augmenter d'ici la fin de l'année.

L'engouement des propriétaires de salles pour le cinéma en relief se comprend aisément. «La 3D permet de vendre plus de billets, et de les vendre plus cher», dit le spécialiste en équipement cinématographique Michel Prince. La copie en 3D d'un film générera des recettes deux ou trois fois supérieures à celles d'une copie 35 millimètres. Le billet de cinéma se vend, lui, environ 2$ plus cher.

Présenté à Cannes, le film d'animation Up a connu un démarrage très fort au Québec. Le premier week-end, il a marché deux ou trois fois plus dans les salles qui le projetaient en 3D.

«Cela donne une valeur ajoutée à une production», analyse Simon Beaudry. Cette différence s'observe sur les films sortis au cours de l'année, quel que soit le succès global au box-office.

De mieux en mieux

Indéniablement tendance en 2009, la 3D n'a pourtant rien de très nouveau: dans les années 50 comme dans les années 80, nombreuses - et vaines - ont été les tentatives pour offrir au spectateur un peu de relief. Il y a eu les lunettes en carton, aux verres rouges et bleus; les objets volants ainsi que inévitables maux de tête ou maux de coeur les accompagnant. Et puis, il y a eu le numérique.

«Avec les nouvelles technologies, tout va mieux», estime Michel Prince. Pour présenter la version 3D d'un film, une salle de cinéma doit être équipée d'un projecteur numérique, un serveur qui va emmagasiner le film, et, selon la technologie du projecteur utilisé (Real D ou Dolby), un nouvel écran. Le spectateur, lui, doit porter des lunettes, fournies par la salle (voir encadré).

Le résultat dépasse largement, en netteté, la définition offerte par un équipement de cinéma maison. Autre avantage pour les exploitants de salle ou les distributeurs: la copie numérique, moins fragile que la pellicule, peut être visionnée presque à l'infini sans perte de qualité. La copie numérique est réutilisable, contrairement à la pellicule qu'il faut recycler.

«C'est comme la couleur», s'extasie Pierre Raymond. Le cofondateur d'Hybride, aujourd'hui rachetée par le géant du jeu vidéo Ubisoft, a de quoi s'emballer. Après des collaborations pour des poids lourds hollywoodiens - dont Journey to the Center of the Earth-, Hybride s'est vu confier pas moins de 120 plans dans le prochain film 3D de James Cameron, Avatar. Un projet de 200 millions.

Annoncé il y a quatre ans, entouré du plus grand secret, Avatar sortira en décembre en Amérique du Nord. D'ores et déjà, les propriétaires de salles de cinéma se préparent à ce qui est, promet-on, le point culminant de l'année. «C'est un film très attendu», confirme le président de l'Association des propriétaires de cinémas et de ciné-parcs du Québec, Marcel Venne.

Des bémols dans un concert de louanges

Toutes les salles du Québec ne sont pas égales face à la 3D. «C'est une belle technologie, mais c'est onéreux, comme toutes les belles choses», estime Marcel Venne. Pour accueillir des projections en 3D, les propriétaires doivent débourser environ 100 000$ par salle. «C'est un investissement majeur, et ce n'est pas tout le monde qui peut s'équiper: on souhaiterait de l'aide, mais rien n'est encore monté», constate M. Venne.

Les salles indépendantes doivent aussi faire face à la frilosité des banques, croit M. Prince, qui installe des équipements dans les cinémas. «Les nouvelles technologies et l'informatique vieillissent mal, alors que les projecteurs à pellicule achetés dans les années 60 fonctionnent encore», compare-t-il.

Malgré tout, la baisse relative du coût de l'équipement numérique a permis d'étendre la 3D. Diane Lemieux, vice-présidente au développement des affaires de Vision Globale, ne donne plus que cinq à sept ans à la pellicule. «Ceux qui avaient les moyens de s'équiper en 3D l'ont fait. On entre maintenant dans la phase de transformation des complexes», estime l'ancienne ministre péquiste.

Enfin, l'équipement progressif des salles de cinéma en 3D peut représenter tout un casse-tête pour les programmateurs. Avec une salle à leur disposition et une sortie de film en 3D par mois, les salles devront peut-être sacrifier un film rentable pour assurer la présentation d'un autre.

«C'est toute une adaptation pour le numérique, et pas seulement pour la 3D, croit le président d'Alliance Vivafilm, Patrick Roy. Dans une année comme celle-ci, la durée de vie des films 3D est très grande et les propriétaires s'inquiètent de devoir sortir un film populaire pour en mettre un autre. Cela pose aussi problème pour les films québécois.»

Un avenir encore incertain

Si la révolution est indéniable sur la forme, les cinéphiles attendent toujours celle du fond. Pour l'instant cantonné aux films d'animation, aux films de niche (ONF, voir encadré) ou au cinéma de genre avec un succès plus ou moins certain (My Bloody Valentine 3D), la stéréoscopie doit encore apporter la preuve de sa qualité.

«Comme toutes les nouvelles technologies, la stéréoscopie est souvent utilise pour camoufler une faiblesse dans un film», dit Pierre Raymond. Avec Avatar, croit-il, James Cameron devrait rehausser considérablement le genre 3D. «Regardez le calibre de Cameron: c'est clair qu'il ne fait pas un film stéréo pour un effet marketing.»

Enfin, avec des coûts de production dépassant d'un tiers ceux des films traditionnels, la 3D reste, sous sa forme commerciale, l'apanage des grandes maisons hollywoodiennes ou européennes. «Il n'y a pas beaucoup d'argent pour la 3D. C'est difficile d'imaginer un producteur québécois qui va se faufiler entre les productions américaines. Comment les cinématographies nationales vont-elles tirer leur épingle du jeu? C'est la question», conclut pour sa part Diane Lemieux.

L'ONF ET LÀ 3D: DE L'HISTOIRE ANCIENNE

L'Office national du Film connaît bien la technologie 3D, puisque l'institution a déjà produit deux courts métrages : Falling in Love again, de Munro Ferguson (2003) et le film pour le 400e anniversaire de Québec, Champlain retracé, de Jean-François Pouliot (2008). «Notre intérêt, c'est plutôt l'innovation que le long métrage: on a toujours travaillé pour trouver de nouvelles approches pour la grammaire 3D», dit Marc Bertrand, producteur au studio jeunesse et animation de l'ONF. L'Office planche actuellement sur quatre projets de films utilisant des techniques stéréoscopiques propres à l'ONF. «On essaie de se positionner dans la nouveauté, l'innovation «, explique M. Bertrand. L'ONF est l'un des producteurs de films 3D parmi les plus compétitifs, selon lui. «L'ONF a souvent été précurseur dans les nouvelles technologies: on a mis au point l'IMAX, Daniel Langlois a travaillé pour nous avant de fonder Softimage. On est dans le même paradigme: on veut être précurseurs», estime-t-il.

Créer l'illusion de la troisième dimension

La 3D ou stéréoscopie, devrions-nous dire naît d'une illusion d'optique. Quand les films traditionnels offrent 24 images par seconde aux deux yeux des spectateurs, la 3D offre une série de 24 images par seconde différente à chaque oeil. «La 3D naît de ces 48 images par seconde», explique Michel Prince, spécialiste en équipement cinématographique. Pour créer l'illusion du 3D, on projette deux images prises sous des angles légèrement différents, que l'oeil superpose grâce aux lunettes.

L'envie d'implanter la 3D au cinéma n'a rien de neuf: dans les années 50, les films noirs et blancs avaient déjà tenté l'expérience. L'arrivée du numérique porte la promesse d'un XXIe siècle en trois dimensions: du projecteur numérique indispensable pour projeter des films en 3D aux écrans spécialement conçus pour les projecteurs numériques permettent de retrouver en salle une résolution deux fois supérieure à la haute définition (HD) du cinéma maison. Dans la bataille pour gagner des spectateurs, l'avantage est encore pour le moment aux salles de cinéma plutôt qu'au cinéma maison: aucune technologie aussi avancée que celle offerte en salle n'est commercialisée.

Box-office des films en salle: 3D c/35mm

(Chiffres fournis par Cinéac. Moyenne en dollars, par copie, en français au Québec lors de leur premier week-end en salle)

Journey to the Center of the Earth

(sortie: 11 juillet 2008)

Une production Walden Media

Un film d'Eric Brevig

Copie 3D: 178 173$

Copie 35 mm: 44 621$

My Bloody Valentine 3D

(sortie: 16 janvier 2009)

Une production Lionsgate

Un film de Patrick Lussier

Copie 3D: 20 131$

Copie 35 mm: 4603$

Monsters vs Aliens

(sortie: 27 mars 2009)

Une production Dreamworks

Un film de Rob Letterman et Conrad Vernon

Copie 3D: 39 511$

Copie 35 mm: 16 272$

Up

(sortie: 29 mai 2009)

Une production Disney/Pixar

Un film de Pete Docter et Bob Peterson

Copie 3D: 13 936$

Copie 35 mm: 5432$

LES FILMS À VENIR:

Ice Age 3

Date de sortie: 1er juillet 2009

Un film d'animation produit par Blue Sky

G-Force

Date de sortie: 24 juillet 2009

Un film fantastique produit par Jerry Bruckheimer

The Final Destination

Date de sortie: 28 août 2009

Un film d'horreur produit par LivePlanet et New Line Cinema

Cloudy with a chance of meatballs

Date de sortie: 18 septembre 2009

Un film d'animation produit par Sony Pictures

Toy Story 1 et 2 3D

Date de sortie: 2 octobre 2009

Un film d'animation produit par Pixar

À Christmas Carol 3D

Date de sortie: 6 novembre 2009

Un film d'animation produit par ImageMovers

Avatar

Date de sortie: 18 décembre 2009

Un film d'aventures produit par 20th Century Fox

Toy Story 3

Date de sortie: 18 juin 2010

Un film d'animation produit par Pixar