Fort du triomphe de La marche de l'empereur, Luc Jacquet s'est attaqué à un conte animalier dont l'inspiration a été puisée à même ses propres souvenirs d'enfance.

Une statuette dorée ne change pas le monde. Luc Jacquet, lauréat de l'Oscar du meilleur documentaire, il y a trois ans, reconnaît tout de même avoir été complètement submergé par le succès inattendu de La marche de l'empereur, le projet ayant requis des années d'efforts et d'acharnement avant de voir le jour.

«Je regarde un peu tout cela comme un phénomène à part, a déclaré le cinéaste, au cours d'une rencontre avec quelques journalistes, à Paris. Un genre d'ovni à vrai dire. Ce succès inattendu m'a évidemment permis d'avoir les coudées plus franches pour le film suivant.»
Jacquet s'est ainsi attelé à l'écriture et à la réalisation d'un conte animalier reposant sur une extraordinaire histoire d'amitié entre un renard et une fillette. L'auteur-cinéaste, dont les idées originales sont prisées, s'est inspiré de ses propres souvenirs d'enfance pour élaborer Le renard et l'enfant, un film dans lequel est évoquée, sans rien forcer, la notion d'équilibre entre les hommes et la nature.

Le pari

«J'ai pris le pari d'émerveiller le public avec une réalité qu'on retrouve tout près de chez soi, explique Jacquet. J'estime que la meilleure façon de conscientiser les gens à la fragilité de notre planète reste encore d'en montrer les beautés. La culpabilisation ne mène à rien. Il faut d'abord se faire plaisir, prendre un premier contact avec la nature de façon ludique.»

L'enchanteur a ainsi transposé dans un conte une rencontre qu'il a faite lui-même avec un renard, dans son enfance, alors qu'il grandissait dans la généreuse nature du Jura.

«En fait, ce souvenir est remonté à la surface pendant que je tournais La marche de l'empereur dans l'Antarctique avec les manchots. Du coup, je me suis demandé pourquoi les animaux partageant un espace commun avec l'homme ont tendance à fuir dès qu'ils aperçoivent un être humain, contrairement à ceux qui vivent isolés de tout contact avec l'homme. Inversement, j'ai aussi tenté de comprendre les raisons qui poussent les humains à vouloir s'approcher des animaux.»

Jacquet a ainsi pris le pari de montrer ce qui se passe en forêt, la nuit, quand les humains ont le dos tourné. D'où le caractère fantastique d'un conte ayant pour guide un animal très expressif, qui renvoie à l'humain ses propres contradictions.

«Le comportement d'un renard est beaucoup plus riche que celui d'un manchot, fait remarquer Jacquet. Cet animal nous est plus familier aussi. Il est présent dans toute notre mythologie, dans toutes les cultures. Il est à la fois proche du chien - on sait ce qu'il ressent - mais il est aussi très différent. Il peut développer un lien véritable avec un être humain, mais il gardera toujours son indépendance et posera toujours lui-même les conditions.»

Un monde d'illusion

Luc Jacquet préfère par ailleurs ne pas trop s'étendre sur la fabrication de son film.
«Nous avons utilisé tous les outils dont le cinéma dispose, y compris les effets spéciaux. Cela dit, il vaut mieux ne pas briser l'illusion, d'autant que nous sommes ici dans le domaine du conte. Ma préoccupation principale est de raconter une bonne histoire dans un contexte le plus crédible possible.»
Une partie du film a été tournée dans le Jura, le pays d'enfance du cinéaste, mais aussi en Italie, dans les Abruzzes. De cette façon, Jacquet a pu composer sa forêt «idéale».

«Les Abruzzes abritent l'un des derniers sanctuaires d'Europe, explique-t-il. Au-delà des paysages, d'une beauté incroyable, il s'agit d'un endroit où cohabitent les hommes et les animaux. Pendant des siècles, les habitants de la région ont taillé les arbres parce qu'ils n'avaient pas le droit de les abattre. Le décor appelle tout de suite une atmosphère de conte.»

Méticuleux dans les moindres détails (il aurait attendu cinq jours pour avoir un «bon» lever de soleil), le cinéaste a évidemment pris soin de bien choisir ses deux vedettes.

La petite fille et le renard

La petite Bertille Noël-Bruneau, âgée de 11 ans, et un renard nommé Titus ont été retenus. Il aura d'ailleurs fallu du temps avant que les deux acteurs se familiarisent l'un avec l'autre.

«Bertille n'avait jamais été mise en contact avec un animal auparavant, précise Jacquet. Nous avons rencontré des centaines de petites filles pour la distribution, mais Bertille s'est démarquée. Elle a un petit côté mystérieux, presque secret, qui convient bien au personnage. Elle a pu développer une véritable histoire d'amitié avec le renard. Encore aujourd'hui, Titus est fou de joie quand elle vient le voir. Sur le tournage d'un film dans lequel joue un renard, le seul mot d'ordre possible est patience!»

Sorti en décembre 2007 en France, Le renard et l'enfant, dont la narration est assurée par Isabelle Carré, fait partie de ces longs métrages repris par Les Films Séville dans le catalogue de Christal Films, aux prises l'an dernier avec de graves difficultés financières.

Le renard et l'enfant prend l'affiche le 10 juillet. Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.