On pouvait s’en douter après l’accueil formidable au Festival de Cannes, mais un retour de bâton était toujours possible. Il n’en est rien.

J’ai tué ma mère de Xavier Dolan est accueilli pour sa sortie en salle par une critique plus que flatteuse. On trouve ici et là quelques bémols concernant les «maladresses» propres au premier film d’un cinéaste de 20 ans. Mais dans l’ensemble, Xavier Dolan a droit à une pluie d’éloges pour une oeuvre jugée «personnelle», «stylée». Et ceux qui jugent que l’oeuvre «n’est pas sans défauts» - Le Journal du dimanche - ajoutent aussitôt que son réalisateur est «très prometteur».

La jeunesse de Xavier Dolan et son charme n’ont pas nui: il avait épaté Cannes par sa précocité et son aplomb. Les distributeurs ont manifestement décidé de battre le fer quand il était chaud. Avec raison. Les journaux français n’avaient pas oublié l’épisode et J’ai tué ma mère, petit film québécois autoproduit et tourné avec un budget minuscule, a droit à un traitement exceptionnel pour une oeuvre dans sa catégorie.

Bien qu’on soit au plus profond du désert cinématographique de l’été, Dolan a quand même à faire avec la concurrence. Non seulement de grosses machines comme le dernier Harry Potter ou Le liseur, mais également des films d’auteur français. Une bonne dizaine de sorties pour ce mercredi 15 juillet.

Or, loin d’en être réduit à la portion congrue et au paragraphe sympathique réservé aux «petits» films, J’ai tué ma mère est traité avec tout le respect dû aux oeuvres marquantes et aux révélations.

Libération ne se contente pas d’une critique flatteuse, mais ajoute un portrait touffu du jeune «prodige», auteur du scénario à 17 ans.

L’hebdomadaire L’Express, plus grand public, lui consacre sur toute une page sa rubrique «À suivre». Pourquoi? «Parce que ce jeune réalisateur québécois a réussi un premier film plus que prometteur : drôle, pertinent, émouvant, culotté.» Quant aux Inrockuptibles, magazine culturel branché entre tous, il a pris fait et cause pour Dolan depuis Cannes et n’a pas changé d’avis.

Jamais un film québécois n’avait fait à ce point l’unanimité. Jusque dans les nuances. De gauche à droite, des cénacles intellos jusqu’à la presse grand public, tout le monde s’entend pour juger que le film a des qualités exceptionnelles d’originalité et d’authenticité - malgré d’évidents défauts de jeunesse, bien excusables.

Malgré «des maladresses évidentes», La Croix estime que Dolan a signé «un film dense et étouffant». Télérama émet des réserves amicales sur les surabondances «des citations littéraires ravageuses et des hommages cinéphiliques exaltés», bref le côté adolescent, mais conclut à la réussite d’une oeuvre «drôle et mélancolique».

Certains critiques sont encore plus enthousiastes : «Xavier Dolan, jeune cinéaste québécois surdoué, porte un sacré coup à l’estomac, écrit Le Figaro. On est frappé par la maturité de son propos.» Jean-Michel Frodon, dans Les Cahiers du cinéma, salue la mise en place rigoureuse et complexe des personnages». «Propos subtil, image belle, film réussi», tranche Le Canard enchaîné. Pour son premier film, Xavier Dolan se balade glorieusement entre deux et trois étoiles (sur trois). Ce qui est exceptionnel. 

Seule fausse note, un titre sévère du Monde : «La cruauté d’une relation mère-fils traitée comme une série télévisée sans souffle». Le texte de la longue critique est beaucoup plus nuancé : seule la seconde partie du film «laisse un peu sur sa fin... à cause d’un souffle narratif encore un peu court». On a déjà lu pire.

Reste le verdict du public. Le pari de cette courte programmation estivale reste hasardeux, malgré un affichage abondant, des médias enthousiastes, et une sortie ambitieuse dans 58 salles, dont 12 dans Paris intra muros.

Apparemment la première séance du mercredi après-midi n’était pas triomphale, car la maison de distribution Rezo a préféré ne pas livrer les chiffres. Mais, au beau milieu de l’été, la séance de 14h à Paris n’a pas la même valeur absolue de test que le reste de l’année. Le pari tient toujours.