Ce sont deux monstres sacrés du cinéma français qui, pourtant pas si jeunes, n'avaient jamais travaillé ensemble: pour ses 50 ans de carrière, Claude Chabrol s'est offert un gros cadeau, Gérard Depardieu, vedette de son plus récent film, Bellamy, qui sort vendredi sur les écrans québécois. Pas sûr qu'il s'agisse du meilleur film de l'un ni du meilleur rôle de l'autre, mais c'est forcément un événement.

Comme chaque année, le commissaire Paul Bellamy (Depardieu) vient séjourner à Nîmes dans la maison de famille de sa femme Françoise (Marie Bunel), qui rêve de croisières au bout du monde. Bellamy, lui, déteste les voyages. Et a deux bonnes raisons de rester cloué sur place.

La première est l'arrivée inopinée de son demi-frère, Jacques (Clovis Cornillac), aventurier à la petite semaine porté sur la bouteille et vaguement amoureux de Françoise. La seconde est la rencontre avec un homme aux abois (Jacques Gamblin), enfermé dans un hôtel, qui demande sa protection et craint d'avoir tué quelqu'un. Mais qui?

Sur fond d'escroquerie à l'assurance, le vieux flic en vacances, dans son désir d'aider l'un et l'autre, se trouve embarqué dans une drôle d'affaire. Sa curiosité naturelle est nourrie par cette enquête non prévue au programme, par ce devoir de vacances un peu particulier, auquel sa femme va apporter sa contribution...

L'idée de départ du film est, bien sûr, l'envie de Chabrol de travailler avec Depardieu. Du coup, le réalisateur met beaucoup de l'un et de l'autre dans ce Bellamy : «Je voulais même que le film soit une sorte de «portrait» de Gérard Depardieu ou du moins une vision de l'une de ses nombreuses facettes», explique le réalisateur. «Dans le même temps, j'ai suggéré à Odile Barski, ma coscénariste, d'injecter des éléments de ma propre personnalité dans le rôle-titre, sans pour autant que cela devienne autobiographique.»

L'idée de départ de l'histoire, elle, «est venue de l'envie de rendre un hommage feutré à Simenon», ajoute Chabrol. En partant d'un fait divers réel, mais en vagabondant ensuite dans des directions insoupçonnées. «Ainsi, ce qui, dans le film, semble le plus fictif est réel - puisque inspiré du fait divers -, et ce qui paraît le plus réel est fictif - puisque c'est Odile et moi qui l'avons inventé.»

Cela donne un film au ton particulier, un peu paresseux, à la mise en scène minimaliste, où l'intrigue importe moins que les personnages et les personnages moins que l'ambiance générale. Cela se passe en province, comme très souvent chez Chabrol, et Depardieu est pépère, tranquille, convaincant et sans surprise dans ce rôle de Maigret en congé.

Le personnage de Jacques Gamblin est le plus énigmatique, et Vahina Giocante s'invite aussi pour la première fois chez Chabrol. Un Chabrol qui est un peu au cinéma ce que Simenon était à la littérature: chaque fois ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre.