L'actrice, qui vit en France depuis une quinzaine d'années, ne possède pas une nature explosive et flamboyante. C'est avec retenue et une touchante timidité qu'elle a rencontré Le Soleil, l'hiver dernier, dans un grand hôtel parisien, afin de discuter de son dernier film, la comédie Louise- Michel, à l'affiche au Québec en fin de semaine.

D'une voix presque enfantine, qui tranche avec son physique plutôt carré, l'inoubliable interprète de la peintre Séraphine explique que cette soudaine renommée n'a rien changé à sa carrière, ou si peu.

«Il y a des gens à qui ça arrive à 25 ans. Moi, j'ai le luxe d'avoir toujours pu travailler. Je connais des comédiens très doués qui n'ont pas nécessairement de travail. Ce qui est génial, pour le moment, c'est que j'ai une possibilité de choix, mais en même temps, j'ai toujours choisi ce que je voulais faire, même si certaines fois, il m'a fallu faire des trucs «alimentaires».»

Capitalisme impitoyable


Chose certaine, lorsque les réalisateurs Gustave Kervern et Benoît Delépine lui ont fait un appel du pied pour jouer l'héroïne déjantée de Louise-Michel, la comédienne n'a pas pris longtemps pour réfléchir. «J'étais contente de les rencontrer. Ils m'ont parlé de leur projet dans un café et j'ai tout de suite dit oui. J'avais vu leurs films précédents (Aaltra et Avida) et j'avais beaucoup aimé. J'aime leur univers, ils ont quelque chose à dire.»


Inspiré du nom de la célèbre militante anarchiste de la Commune de Paris, morte en 1905, Louise-Michel entraîne le spectateur sur le terrain de la comédie sociale absurde et caustique, sur fond de capitalisme impitoyable du début de siècle.

Il a fallu plus d'une vingtaine d'années à Yolande Moreau pour faire sa niche au grand écran français. Ses deux Césars d'interprétation remportés pour Quand la mer monte... (en 2005) et Séraphine (l'an dernier) sont venus récompenser sa patience et ses efforts. Malgré tout, cette Belge d'origine demeure méconnue de ce côté-ci de l'Atlantique.


Ainsi, après la fermeture sauvage de leur usine de Picardie, un groupe de travailleuses accepte la suggestion aussi farfelue que radicale d'une des leurs, Louise (Yolande Moreau). Pourquoi ne pas mettre en commun les indemnités de licenciement pour faire descendre leur goujat d'ex-patron?


Et Louise de partir d'un pas balourd à la recherche de celui qui acceptera d'honorer le contrat, en l'occurrence Michel (Bouli Lanners), un tueur à gages pas très futé.


Film grave et léger


«Elle est déboussolante, cette femme bourrue avec son imper, qui ne sait ni lire ni écrire. Elle représente pour moi l'ambassadrice des laissés-pour-compte, des pauvres, des gens laissés de côté dans notre société.»


«Louise-Michel, c'est un film grave avec beaucoup de légèreté et de cynisme, poursuit-elle. Un film indispensable, qui parle de notre époque, sur la difficulté de se trouver du boulot, des fermetures d'usines, des paradis fiscaux. Ça parle à tout le monde. C'est un vrai bon sujet de film.


«Pendant le tournage, j'ai eu peur car ils (Kervern et Delépine) avaient beaucoup de choses drôles à raconter, alors que je suis quelqu'un d'assez tragique. Au départ, c'est justement ce fond tragique qui m'attirait, cette histoire de fermeture d'usine et de femmes qui veulent faire buter le patron. C'est drôle et tragique en même temps. Mais en bout de ligne, je crois qu'ils ont réussi le pari magnifique de faire un film où l'on n'oublie jamais le fond de ce qu'ils ont voulu raconter. Ils le racontent de manière très différente des frères Dardenne ou de Ken Loach, mais ça reste social et politique.


«Quand j'ai vu le film, j'étais sur un petit nuage, j'étais heureuse. Je ne peux pas toujours dire ça de tous ceux que j'ai fait. Pour moi, ce film, c'est du pain bénit, un peu comme l'a été Séraphine.»


Les frais de déplacement et de séjour du Soleil à Paris ont été défrayés par Unifrance.