On ne sait plus s'il faut parler de succès d'estime, ou d'échec prometteur. En tout cas, Xavier Dolan est en train de réaliser en France un parcours tout à fait inédit. Et, après un mois d'exploitation, son film n'est toujours pas mort, ce qui est déjà un exploit.

Selon les derniers relevés officiels, J'ai tué ma mère, sorti le 15 juillet dernier dans 58 salles, avait tout juste dépassé les 37 000 spectateurs le 12 août. On est donc loin des triomphes de La grande séduction ou de C.R.A.Z.Y. Mais, à l'échelle du cinéma d'auteur actuel, ce n'est pas non plus un résultat négligeable.

La surprise vient du fait que le film de Xavier Dolan, à la fin du mois d'août, est toujours en salle. Après un démarrage très faible, on pouvait s'attendre à ce que le film perde rapidement 80 % de ses salles. Le 17 juillet, chez Rezo Films, le distributeur indépendant qui avait acquis l'oeuvre de Xavier Dolan dès le Festival de Cannes, on s'avouait franchement déçu des premiers résultats d'affluence.

Mais voilà: au moment d'entamer sa septième semaine d'exploitation, J'ai tué ma mère tournait encore dans 43 salles. En supposant que la moyenne des quatre premières semaines s'est maintenue, on doit avoir dépassé les 50 000 entrées. Il doit y avoir une petite rumeur favorable autour du film pour que les exploitants qui l'avaient déjà à l'affiche le maintiennent malgré des résultats modestes, et que d'autres prennent la relève.

«Ce qui serait bien, c'est que le film tienne jusqu'à la rentrée de septembre, et que le bouche à oreille s'amplifie», disait il y a quelques jours un bon connaisseur du cinéma québécois en France. Avec une carrière aussi atypique, un miracle est toujours possible. Mais, chez Rezo, on reste prudent: «Le nombre de salles maintenues se décide semaine par semaine; nous faisons le travail, mais ce sont les exploitants qui décident. Est-ce que nous allons résister au choc de la rentrée de septembre? Nous n'en savons absolument rien. Ça dépendra de la concurrence et des nouvelles sorties de films.» Le mercredi 9 septembre, date de la «vraie» rentrée, sera une date fatidique.

«Peut-être la critique, abondante et enthousiaste pour un premier film, a-t-elle trop insisté sur son côté dramatique et difficile», disait-on à Rezo à la mi-juillet. Mais, aujourd'hui encore, on ne regrette pas cette date de sortie: «L'été est devenu un marché porteur. Xavier Dolan bénéficiait encore de l'effet Cannes. Et il y a moins de concurrence l'été.»

Véritable regret, en revanche: que le réalisateur n'ait pas trouvé le moyen de venir 10 jours à Paris au moment de la sortie, car quelques émissions de télé importantes s'intéressaient à lui. Xavier Dolan avait été la (petite) coqueluche de Cannes, et les Français adorent ces histoires de petits génies précoces. Son absence de Paris à la mi-juillet a pesé sur la suite des événements.