Le cinéaste polonais Mariusz Grzegorzek se démarque nettement en portant à l'écran une pièce écrite par Judith Thompson, une dramaturge d'origine montréalaise.

Il aura fallu une douzaine de films avant qu'on se sente enfin dans notre époque dans cette compétition. Waffenstillstand (Cessez-le-feu) mis à part, la plupart des films sélectionnés dans la catégorie phare du FFM se sont révélés inoffensifs, plutôt sages et consensuels.

Puis, est arrivé hier matin ce cinéaste polonais qui aurait aisément pu passer pour Jésus-Christ il y a deux mille ans. D'entrée de jeu, Mariusz Grzegorzek a avisé le public du cinéma Impérial. «Ce film est sombre et déprimant!» a-t-il dit. Il est vrai que les sentiments dépeints dans Je suis à toi sont exacerbés, très durs, parfois même violents. Mais nous avons enfin eu droit à une vraie proposition de cinéma. Des thèmes forts, une ambiance un peu trash, un peu de cul, une ponctuation musicale lancée à fond, bref, le cinéaste a décidé de prendre les moyens qu'il faut pour faire vibrer le spectateur. Et il y parvient.

Grzegorzek, qui travaille aussi beaucoup au théâtre, a choisi d'adapter pour le grand écran une pièce de Judith Thompson qu'il avait déjà montée avec succès en Pologne. I am Yours est une oeuvre à caractère intimiste que la dramaturge d'origine montréalaise, aujourd'hui installée à Toronto, a écrite il y a une vingtaine d'années. Au coeur du récit, le chantage d'un petit criminel auprès d'une jeune bourgeoise après que cette dernière soit tombée enceinte de cet homme à qui elle a «succombé» une fois. Elle compte mettre l'enfant au monde pour le donner à l'adoption. Il tient à garder le bébé. La mère du grand ado s'en mêle. L'histoire se transforme en lutte de classes.

Au-delà de l'anecdote, il y a les rapports qu'entretiennent les personnages entre eux. La soeur aînée de l'héroïne, qui débarque après un an d'absence, ne connaît d'autre façon d'aborder les hommes qu'à travers le sexe. Les deux frangines sont d'ailleurs de nature plutôt «instable». Au grand dam du mari, qui devra non seulement composer avec les avances de sa belle-soeur, mais aussi avec la grossesse non désirée de sa femme.

L'origine théâtrale de ce récit est évidente. Celle-ci constitue toutefois ici un net avantage. L'écriture est très forte et la structure, très solide. Surtout, le texte est défendu par d'excellents comédiens. Qui en maîtrisent magnifiquement toutes les nuances. Oui, Je suis à toi est un film dur. Dans la mesure où il fait écho à de véritables déchirements intérieurs. Soutenu par une excellente réalisation et de belles performances d'acteurs, ce long métrage fait indéniablement partie des candidats les plus sérieux de cette compétition. Je suis à toi a pourtant été accueilli plutôt sèchement par les festivaliers.

Nobles vertus

Cher docteur, troisième long métrage de la réalisatrice japonaise Miwa Nishikawa, fait justement partie de ces films aux nobles vertus dont le FFM fait son miel. Une espèce de Grande séduction dont l'issue est un peu plus dramatique (mais pas tant que ça). Fraîchement diplômé, un jeune médecin est affecté dans un petit village reculé dans lequel un vétéran médecin soigne ses malades depuis toujours. Ce dernier a bien entendu développé avec ses patients - pour la plupart de vieux villageois, un lien de confiance indéfectible. Aussi l'émoi est-il immense le jour où ce médecin, le seul à pratiquer dans ce village, disparaît mystérieusement.

La réalisatrice s'attarde à brosser un tableau attendrissant, le vieux médecin étant attachant. Avec des petites touches d'humour bon enfant par ci, des soupçons plus dramatiques par là, Cher docteur tente de faire écho à des valeurs humanistes, mais l'ensemble ne convainc guère.

Le récit n'évite pas les redites et traîne en longueur. La mise en scène est classique et peu inventive. Même s'il nage dans les mêmes eaux qu'Okuribito (Departures), le film qui, l'an dernier, a obtenu le Grand Prix des Amériques avant d'aller cueillir l'Oscar du meilleur film en langue étrangère, il serait étonnant que Cher docteur se démarque de la même façon. Mais sait-on jamais...

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Jestem Twoj (Je suis à toi) de Mariusz Grzegorzek. Aujourd'hui 16 h 20 au Cinéma Impérial.

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Dia Dokutâ (Cher docteur) de Miwa Nishikawa. Aujourd'hui 13 h 40 au Cinéma Impérial.