Claude et Nathan Miller cosignent un film qui fait écho aux malaises liés à l'enfance. Je suis heureux que ma mère soit vivante est l'un des beaux films de la compétition.

Claude Miller s'était déjà immiscé dans les affres de l'enfance meurtrie avec La classe de neige, une adaptation cinématographique puissante du roman d'Emmanuel Carrère. Coréalisant cette fois son nouveau film avec son fils Nathan, le réalisateur d'Un secret s'aventure un peu sur le même terrain en s'attardant au parcours d'un jeune homme recherchant sa mère biologique. Je suis heureux que ma mère soit vivante se distingue notamment grâce à cette attention minutieuse des coréalisateurs à l'évocation du tumulte intérieur de leur protagoniste.

Le scénario d'Alain le Henry (Regarde les hommes tomber, Un héros très discret) fut d'ailleurs inspiré de faits réels, évoqués dans un article qu'a justement écrit l'auteur Emmanuel Carrère il y a une douzaine d'années.

La petite enfance de Thomas est relativement «normale». Compte tenu des circonstances du moins. À l'âge de 4 ans, il fut abandonné par sa mère pour ensuite être recueilli par une famille adoptive aimante. Il ne mettra pourtant pas longtemps avant de poser des questions. Des relents de colère font parfois surface. Devenu jeune adulte, il retrouve celle qui l'a abandonné un jour. Il renoue avec sa mère biologique, s'installe peu à peu dans la vie de cette dernière. Il s'attache même à un petit frère qu'il ne connaissait pas auparavant. Des sentiments troubles s'entrechoquent.

Miller père et fils se collent au plus près de l'esprit blessé du jeune homme. Vincent Rottiers, son interprète, offre ici une magnifique composition. Et donne à son personnage de très beaux accents de vérité. Je suis heureux que ma mère soit vivante est d'ailleurs un film essentiellement centré sur les acteurs. Toutes les partitions sont modulées avec beaucoup de finesse. Le récit maintient continuellement un degré de tension.

Il y a deux ans, Un secret avait valu à Claude Miller le Grand Prix des Amériques (ex aequo avec Ben X de Nic Balthazar). En principe, le nouvel opus «millerien», conçu cette fois à quatre mains, devrait figurer d'une façon ou d'une autre au palmarès.

Un Passchendaele serbe...

Le deuxième film présenté hier dans la compétition mondiale s'est de son côté distingué par sa lourdeur et l'ennui qu'il a suscité. Saint Georges tire sur le dragon pêche par son académisme et ses excès mélodramatiques. Drame de guerre campé en 1914 dans un petit village serbe situé tout près de la frontière austro-hongroise, ce film ambitieux, réalisé par Srdjan Dragojevic, a le mérite de faire écho à une page d'histoire plus méconnue. L'ensemble est toutefois gâché par une approche feuilletonesque, laquelle laisse une grande part à une intrigue sentimentale en forme de triangle amoureux.

Les scènes de guerre ne sont guère convaincantes non plus. On est ici très loin du cinéma de Kusturica ou de Tanovic. Les Serbes viennent de trouver leur Passchendaele...

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Je suis heureux que ma mère soit vivante de Claude et Nathan Miller. Ce soir 19 h au Théâtre Maisonneuve; Demain 14 h 20 au Quartier latin. En salle le 30 septembre.

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Sveti Georgije Ubiva Azdahu (Saint Georges tire sur le dragon) de Srdjan Dragojevic. Ce soir 21 h 30 au Théâtre Maisonneuve.