Le Français Jacques Rivette, 81 ans, a présenté lundi en compétition à la 66e Mostra de Venise 36 vues du Pic Saint-Loup, où la Franco-Britannique Jane Birkin et l'Italien Sergio Castellitto ébauchent une romance très abstraite, sous le chapiteau d'un cirque qui ne l'est pas moins.

Sa voiture en panne au bord d'une petite route de campagne, une femme hèle le conducteur d'une Porsche rouge, qui passe en trombe.

Mais Vittorio (Sergio Castellitto) fait demi-tour et arrive à faire démarrer la voiture, en silence, avant de réapparaître sur la place du village un instant plus tard et d'engager la conversation avec Kate (Jane Birkin).

Celle-ci l'invite le soir même à la représentation du petit cirque familial, que Kate avait quitté il y a quinze ans à la suite d'un drame.

Subjugué, Vittorio revient chaque soir voir le spectacle et tente de partager la vie de la petite troupe pendant la journée.

«Ce qu'il y de magique avec les films de Rivette, c'est que parfois on ne sait pas ce qui va arriver, ni le lendemain, ni dans cinq minutes. Parfois on reçoit le texte dix minutes avant de tourner... c'est très excitant», a affirmé Jane Birkin lors d'une conférence de presse.

«Ce que je trouve intéressant sur un tournage de film, c'est la façon dont les différents protagonistes, les acteurs, les techniciens, apportent des choses qui n'étaient pas prévues. J'aime bien l'imprévu», a déclaré pour sa part Jacques Rivette.

Peu disert, celui-ci a écarté la plupart des questions des journalistes, les jugeant dépourvues d'intérêt.

Le cirque exprime la quintessence du rapport de l'artiste à son art et à l'existence en général, nous dit ostensiblement Rivette.

Parce que les acrobates y risquent la mort chaque soir, parce qu'une véritable catharsis s'y déroule, la piste circulaire du cirque devient le lieu d'une épreuve de vérité.

Pour en convaincre le spectateur, Rivette filme longuement, de manière frontale et statique, un numéro de clowns qui prend une tournure quasi-sinistre à force d'être répété en silence, sous un chapiteau vide, plongé dans le noir.

L'air sérieux et toujours prêts à lancer des aphorismes, les comédiens composent une troupe étrange. Dans une ultime pirouette, ils saluent le spectateur et l'informent de la fin de l'intrigue, brisant la convention théâtrale ou cinématographique.

Ils le convient ainsi à méditer sur les rapports complexes entre fiction et vérité, et l'émergence de la vérité par le mensonge, thèmes de prédilection du cinéaste.

Jacques Rivette a notamment signé La Belle Noiseuse (1991), où Emmanuelle Béart campait la muse d'un peintre manipulateur et en crise d'inspiration joué par Michel Piccoli, ou Ne touchez pas la hache, tous deux tirés de Balzac.