Pour Détour, Luc Picard se glisse dans la peau d'un homme inodore et incolore qui rencontrera une brune fatale. Un premier long métrage au Québec pour Sylvain Guy, le scénariste de Liste noire et Monica la mitraille. «Ce que j'aime en général, c'est l'ambiguïté morale», dit le réalisateur.

«J'aime les zones d'ombre, explique Sylvain Guy, amateur de films noirs des années 40 et 50. C'est tout le contraire du rêve américain : ça m'allume plus que le rose bonbon.» À voir la feuille de route de l'homme, d'abord avocat, on s'en doutait un peu. Dans Liste noire et son remake américain, Guy avait donné vie à une prostituée à la langue bien pendue.

Dans Détour, c'est Léo Huff (Picard) qui fait la rencontre d'une femme qui lui sera peut-être fatale, Lou (Isabelle Guérard). Léo vit coincé entre une femme franchement mégère et une patronne peroxydée et abusive. Quand sa route, au Bic, croise celle de Lou - et accessoirement de son copain, le bien nommé Roch (Lemay-Thivierge) -, le coeur de Léo se remet à battre.

«Je n'avais jamais fait ça : j'aimais le défi de prendre quelqu'un d'inintéressant, de pas très coloré, et de le rendre intéressant à regarder, sans trahir le fait qu'il est brun», dit Luc Picard. Habitué aux rôles plus réalistes (20h17 rue Darling, L'audition) ou dramatiques (Un dimanche à Kigali), Picard participait avec Détour à son premier film noir.

«Je suis arrivé avec des suggestions fortes : j'étais un peu inquiet avec ce personnage. C'est un gars intelligent, mais paralysé, pris dans un train-train. De temps en temps, la cage s'ouvre un peu. Pour une raison ou une autre, il veut tenter la grande aventure», raconte Luc Picard.

«Avec Luc, on a fait un personnage intériorisé, un Roch extraverti et une Lou assez sauvage. Roch incarne la violence qui passe. Lou est quelqu'un de très charnel. Léo est archidomestiqué, il n'en peut plus, il est prêt à tout changer», dit de son côté Sylvain Guy, qui a passé cinq ans à plancher sur le scénario.

En prenant un homme piétiné par des femmes comme personnage principal, Détour ne donne pas le beau rôle au deuxième sexe. «C'est un film de genre, mais je ne crois pas qu'il faille y voir un débat social sur les sempiternels hommes castrés, s'il vous plaît ! Léo est castré, mais il se castre aussi lui-même», soutient Luc Picard.

Le réalisateur ne se défend pas d'avoir signé un film portant fortement la marque de l'homme, notamment quant à la vision très fantasmée de Lou : «Mais j'en suis un ! rit le réalisateur. C'est ça son jeu : c'est une femme fatale. Ce qui ne m'intéresse pas, a priori, c'est l'aspect social, d'où mon attrait pour les films noirs.»

Le film, qui se déroule au Bic, ne fait pas l'impasse non plus sur le désir sexuel qu'inspire Lou, et qui culmine dans une scène nocturne entre Lou et Léo. «Il fallait qu'ils vivent quelque chose d'extraordinaire pour que Léo revienne vers elle» explique Sylvain Guy.

Depuis Détour, Sylvain Guy s'est attelé à l'écriture de son nouveau projet, l'adaptation de La petite fille qui aimait trop les allumettes. Quant à Luc Picard, il a commencé l'écriture d'un deuxième long métrage, L'incident. Le comédien, lui, n'a pas de projets à venir. «C'est plus difficile sur le plan de l'acteur. C'est dur de ne pas travailler. Des fois, j'ai l'impression que les gens ne me voient pas comme un acteur mais comme un réalisateur. Or, mon grand plaisir, c'est de jouer» affirme Luc Picard.

Détour prendra l'affiche le 18 septembre.