Dans La donation de Bernard Émond, Life during Wartime de Todd Solondz, et Triage de Danis Tanovic, les valeurs humaines sont rudement mises à l'épreuve.

Il n'y a pas de blessés dans La donation, le dernier volet d'une trilogie qu'a consacrée Bernard Émond aux vertus théologales. Pourtant, les personnages portent tout aussi lourdement le poids de la condition humaine que s'ils étaient sur un champ de bataille. Que d'impuissance devant la souffrance.

Élise Guilbault, tout en intériorité, reprend ici son personnage de La neuvaine, Jeanne Dion. L'urgentologue montréalaise, qui a renoncé à son envie d'en finir avec la vie, se rend ainsi au fin fond de l'Abitibi, à Normétal, afin de prendre la relève d'un médecin vieillissant (Jacques Godin).

Avec beaucoup de sobriété, l'auteur cinéaste s'attarde à suivre le parcours d'une femme directement confrontée à la détresse des gens. Jeanne étant un maillon essentiel du tissu social de la petite communauté, elle deviendra vite le témoin privilégié des petites histoires de ses nouveaux patients. Toutes plus dramatiques les unes que les autres.

Déjà présenté au Festival de Locarno, La donation a eu droit hier à sa première nord-américaine.

«Dans mon esprit, c'est pourtant le 31 octobre, alors qu'il ouvrira le Festival du cinéma en Abitibi-Témiscamingue, que le film commencera vraiment sa vie, faisait remarquer Bernard Émond au cours d'une entrevue accordée hier à La Presse. J'aime bien les festivals internationaux et je comprends les distributeurs de vouloir passer par eux, mais je travaille d'abord et avant tout pour mes concitoyens.»

L'auteur cinéaste dit être évidemment touché par les bons commentaires que lui font les spectateurs étrangers. «D'autant qu'en parlant avec eux, je me rends compte que mon film est compris exactement comme je le souhaite!

«L'idée que je me fais de mon métier de cinéaste, poursuit-il, est celle d'une participation au débat public, dans le sens très large. Ce sont les valeurs dont nous discutons chez nous qui m'intéressent le plus. Je préfère encore recevoir une invitation de Drummondville ou de Baie-Comeau plutôt que d'une ville étrangère, car c'est ici que je sais si ce que je fais a du sens. Je veux surtout rejoindre les gens. Mes films ne sont pas «grand public», mais ils sont accessibles. Ce n'est pas ma faute si la culture de masse est ce qu'elle est maintenant!»

Émond est présent à Toronto parce qu'il a tissé, au fil des ans, de bons rapports d'amitié avec les sélectionneurs.

«J'aime aussi venir ici pour la raison suivante: on peut rencontrer le public directement grâce à des séances de questions organisées après les projections. J'adore ça. Quand un festival ne permet pas cet échange, je n'y retourne plus. Toronto a aussi un effet multiplicateur. Tous les sélectionneurs des autres festivals sont ici. Dans deux semaines, j'irai d'ailleurs présenter le film au festival de Pusan en Corée. Je suis très curieux de voir la réaction du public asiatique.»

Le prochain projet prend déjà forme. Bernard Émond s'attelle à l'écriture d'un nouveau film dont la tête d'affiche sera Patrick Drolet, la révélation de La neuvaine. L'histoire est celle d'un jeune homme qui refuse une très grosse somme d'argent pour des raisons morales.

«Les questions éthiques m'intéressent. Il est important d'en parler», affirme le cinéaste.

La donation prendra l'affiche le 6 novembre.

Temps forts

Dans la parfaite continuité de Happiness, Life during Wartime marque le retour en force de Todd Solondz. L'auteur cinéaste américain maintient toujours le spectateur sur la corde raide en proposant un portrait de famille très grinçant. Il s'attaque à tous les tabous, notamment celui de la pédophilie, un thème récurrent.

À l'instar de Happiness, dont ce film est un peu le prolongement, on ne sait trop si on doit rire ou pleurer tant le malaise est profond. La dernière partie du film est moins bien maîtrisée, mais les dialogues, parfois inouïs, et les morceaux de bravoure des comédiens (Allison Janney et Michael Lerner notamment) font certes de ce film l'un des temps forts du festival.

Le cinéaste bosniaque Danis Tanovic, lui, a connu la guerre. La vraie, la sale. Triage relate le parcours d'un photographe irlandais (Colin Farrell, excellent) en reportage au Kurdistan à la fin des années 80. Le récit se concentre notamment sur les conséquences d'une expérience aussi traumatique dans la vie intime du reporter.

Le nouveau film du réalisateur de No Man's Land met un peu de temps à s'installer, mais il atteint une grande puissance émotionnelle dans le dernier acte.