La première mondiale de Micmacs à tire-larigot a eu lieu à Toronto. Entre Delicatessen et Amélie Poulain, le nouvel opus de Jean-Pierre Jeunet se distingue par sa richesse visuelle. Mais il est un peu vide en son centre...

Ils se sont avancés, timides, sur la scène du Roy Thomson Hall en fin de soirée hier. Dans un anglais un peu approximatif, Dany Boon a fait sourire l'auditoire. Il a notamment demandé à Jean-Pierre Jeunet ce que diable pouvait bien vouloir dire le titre du film que le distingué public de cette soirée de gala s'apprêtait à voir.

C'est évidemment la question qui est venue à l'esprit de tout le monde dès que le projet fut annoncé.

«Un titre s'impose d'emblée ou alors, il faut en trouver un, a fait remarquer le cinéaste au cours d'une entrevue accordée hier à La Presse. J'aimais bien l'expression tire-larigot mais il était difficilement envisageable de l'utiliser seulement comme ça. C'est un ami qui a trouvé. En même temps, on se fout bien du titre. Delicatessen, ça ne voulait pas dire grand-chose non plus!»

L'analogie n'est pas innocente. Sur le plan visuel, Micmacs à tire-larigot fait en effet beaucoup penser au film que Jeunet a coréalisé à l'époque avec son comparse Marc Caro.

«L'humour y était plus sombre quand même, observe le cinéaste. Je situerais plutôt Micmacs entre Delicatessen et Amélie Poulain.» Ce nouveau film, le premier qu'il signe depuis Un long dimanche de fiançailles, marque en tout cas le retour de Jeunet en des territoires plus familiers. Micmacs à tire-larigot est d'ailleurs né d'une envie de concrétiser très vite un projet après avoir travaillé d'arrache-pied sur un film qu'il ne réalisera jamais. Le cinéaste a en effet dû renoncer à L'histoire de Pi, l'adaptation du roman à succès de Yann Martel.

«Nous y étions presque, raconte-t-il. J'ai travaillé sur L'histoire de Pi pendant deux ans. Nous étions pratiquement prêts à entrer en production, mais il était impossible de tourner le film avec le budget prévu par la Fox. Quand je me suis rendu compte que le vent tournait et que nous nous dirigions vers une impasse, je me suis concentré sur Micmacs. Après avoir tant travaillé pour rien, il me fallait faire quelque chose. Il me fallait tourner.»

Écrit en collaboration avec le complice Guillaume Laurant, le scénario de Micmacs est d'abord spécifiquement conçu pour Jamel Debbouze. Deux mois avant le début du tournage, l'acteur s'est désisté, exprimant la volonté de prendre une pause. Jeunet s'est alors tourné vers Dany Boon. Qui, dans un premier temps, a refusé la proposition.

«En temps normal, j'aurais dit oui à Jean-Pierre, a expliqué hier la tête d'affiche de Micmacs. Il y avait d'ailleurs longtemps que nous voulions travailler ensemble. Mais le rôle étant originalement écrit pour Jamel, je craignais ne pas correspondre au personnage du tout. J'avais peur de la fausse bonne idée, en fait.»

Le scénario a évidemment été modifié en conséquence. «Du coup, nous sommes allés dans l'autre sens, souligne Jeunet. Plutôt que de faire de Bazil une petite crevette fragile, ce qu'il était à l'époque où Jamel devait l'incarner, on a opté pour le style gros ours!»

Boon prête ainsi sa dégaine à un personnage ayant été victime, deux fois plutôt qu'une, de marchands d'armes. Enfant, il a perdu son père à cause de l'explosion d'une mine dans le désert marocain. Adulte, une balle perdue lors d'une fusillade en face de chez lui s'est logée dans son cerveau. Sans abri, Bazil est repêché par une bande de marginaux aux multiples talents. L'heure de la vengeance a sonné.

Dans le contexte de la crise actuelle, Micmacs fait bien entendu écho à la colère des exploités du système. Colorant son récit d'un humour très bon enfant, Jeunet impose d'emblée son univers. Le film est très riche, très imaginatif sur le plan visuel. En revanche, le récit s'essouffle très rapidement. À vrai dire, il faudra attendre le dernier acte avant de s'émerveiller de nouveau devant une scène qui, à n'en pas douter, est d'ores et déjà anthologique. Dans la salle, le public s'est d'ailleurs mis à applaudir spontanément.

Micmacs à tire-larigot prendra l'affiche au Québec l'hiver prochain.

Souvenir d'une star

La mort de Patrick Swayze a d'évidence ému quelques collègues de passage dans la Ville reine. Drew Barrymore, qui lui avait donné la réplique dans Donnie Darko, a d'ailleurs appris la nouvelle au beau milieu de la conférence de presse qu'elle donnait pour Whip It, son premier long métrage en tant que réalisatrice. «J'avais 7 ans quand j'ai rencontré Patrick pour la première fois. Il n'y avait pas homme plus gentil sur Terre. J'apprends cette nouvelle à l'instant. Je suis secouée.»

De son côté, Keanu Reeves, covedette du cultissime Point Break, a aussi tenu à rendre hommage à l'acteur disparu. «Il aimait la vie. Il profitait de toutes les occasions que lui donnait le cinéma pour faire des choses auxquelles il n'aurait probablement même jamais pensé dans la vie. C'était un homme de coeur.»