Aux États-Unis, les machines distributrices de DVD gagnent de plus en plus de terrain. L'invasion atteindra-t-elle le Québec?

Sylvain Marchand préfère prévenir les coups. Il vient de réduire la surface de son magasin de location de DVD SuperVidéo 2000 et il y a installé un comptoir de crème glacée. Voilà au moins un produit qu'on ne peut pirater ni livrer par l'internet. Car le climat est de plus en plus cuisant pour cette branche fragile de l'industrie du divertissement. «Les ventes n'augmentent pas, lance-t-il en euphémisme, et il faut commencer à se trouver autre chose.»

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À l'autre extrémité de l'échelle, le géant Blockbusters, aux États-Unis, pourrait fermer jusqu'à 960 magasins d'ici la fin de 2010, ce qui représente un élagage de 20 % de sa frondaison. En contrepartie, elle entend décupler son parc actuel de 497 machines distributrices de DVD, pour atteindre 2500 appareils à la fin de l'année, et 10 000 au milieu 2010.

L'entreprise réagit ainsi aux menées de son concurrent Redbox, qui s'étend comme du chiendent. Alors qu'elle ne détenait que 12 appareils en 2004, Redbox prévoit en avoir placé 22 000 en décembre, la plupart dans des magasins grande surface comme Wal-Mart ou des restaurants comme McDonald's. Les machines distributrices rouges affichent sans aucune ambiguïté un tarif de 1$ par DVD loué. Ce coût bas a fait mal aux magasins de location traditionnels, qui doivent soutenir des frais d'exploitation élevés.

Cette offensive atteindra-t-elle le Québec? Pour sa part, Sylvain Marchand ne craint pas les machines distributrices automatisées. «Elles ne sont pas une menace pour nous. Ce n'est pas comme en Europe où les loyers sont à 50 $/pi2. Non. Ça va faire comme les avec les Vidéocubes dans les années 80, ça va finir par disparaître.»

Lui-même en avait possédé un, à l'époque. «Il y avait 32 cubes au Québec, nous étions le deuxième meilleur et je couvrais à peine mes frais.»

Bref, il n'y croit pas. La menace vient d'ailleurs. «C'est davantage le piratage et l'internet qui nous font mal.»

Il est vrai que les dernières années n'ont pas été clémentes pour les machines distributrices, au Québec. Une demi-douzaine d'entreprises sont apparues puis ont disparu depuis cinq ans.

La chaîne NikoVidéo, filiale de Niko ATM, résiste toujours, mais après un apogée de 134 points de location en 2007, son parc s'est restreint à quelque 80 machines.

«Plusieurs investisseurs n'avaient aucune expérience en affaires ni en club vidéo, prenaient des loyers commerciaux beaucoup trop chers, ne mettaient pas de publicité, n'assuraient pas de service, ne donnaient pas de contacts humains», explique Nathalie Boucher, conseillère principale pour le Canada. Elle croit toujours à cette formule. «Je suis en expansion», indique-t-elle. Elle s'attaque au marché de l'Ouest canadien et vient de conclure une entente avec la chaîne hôtelière Best Western.

La formule de NikoVidéo est hybride: l'appareil est encastré dans un mur, à l'intérieur d'un petit local, et le modèle d'affaires impose la présence d'un commis sur place quelques heures par jour. «Le contact humain est très important», assure Nathalie Boucher.

Un autre acteur québécois, RoboVideo Express, a choisi une autre technologie: la machine distributrice autoportante et indépendante peut contenir 1312 DVD en location. Elles sont installées dans certains commerces - dépanneurs, pharmacies, stations-service - ou dans un petit local. Le vice-président Patrick St-Germain possède lui-même deux appareils, l'un dans une pharmacie - rendement correct - et un autre dans un petit vidéoclub. «C'est une mine d'or, affirme-t-il. La différence, c'est que celui-là a un employé.»

Encore ce fameux contact humain, qui semble si cher aux Québécois.

L'exception québécoise?

Pour sa part, Jacques Nantel, professeur à HEC Montréal et spécialiste en commerce électronique, ne croit pas à l'exception québécoise en matière de distribution. «Chaque fois qu'on s'est dit que ça ne fonctionnerait pas au Québec, on s'est planté. L'exemple le plus classique est Wal-Mart.»

Bref, les Québécois sont tout aussi sensibles aux prix que les autres Nord-Américains. On peut donc penser que si les machines distribuent une nouveauté à une fraction du prix des concurrents, les Québécois pourraient établir une relation avec elles.

Jacques Nantel, qui suit ce marché depuis de nombreuses années, est convaincu que ces machines, si elles peuvent connaître un succès intérimaire, ne constituent qu'une phase transitoire, avant la prochaine invasion du téléchargement par l'internet.

«C'est inexorable», dit-il.

Budget vidéo

Dépenses moyennes annuelles des ménages pour la location de vidéos ($ CAN)

CANADA/ QUÉBEC

> 2002
95 $ /89 $

> 2003
92 $ /89 $

> 2004
92 $ /87 $

> 2005
93 $ /85 $

> 2006
89 $ /81 $

> 2007
83 $ /84 $

Source : Statistique Canada