Une affaire de moeurs vieille de plus de trente ans a fini par rattraper le cinéaste Roman Polanski, arrêté sur mandat d'arrêt américain à son arrivée en Suisse, où le Festival du film de Zurich devait lui remettre un prix dimanche.


Le réalisateur franco-polonais a été arrêté samedi soir «à son arrivée à l'aéroport de Zurich» par la police suisse et «placé en détention provisoire en vue d'extradition sur la base d'un mandat d'arrêt américain», selon un communiqué des autorités judiciaires helvétiques, publié dimanche.

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Il peut faire appel, a précisé un porte-parole du ministère de la Justice, et une éventuelle décision d'extradition pourra être contestée auprès du tribunal pénal fédéral, puis du Tribunal fédéral, la plus haute instance judiciaire helvétique.


Et le ministère a pris soin de souligner qu'une extradition «ne pourra être prononcée» qu'une fois «le processus judiciaire finalisé».
Selon l'agence de presse suisse ATS, le cinéaste, âgé de 76 ans, est détenu à l'aéroport de Zurich.


«Depuis fin 2005, les autorités américaines recherchent activement Roman Polanski partout dans le monde», selon le communiqué, qui précise que Washington reproche au cinéaste «des actes d'ordre sexuel avec des enfants, notamment un cas de 1977 avec une mineure de 13 ans à Los Angeles».


Arrêté suite à la plainte des parents de cette adolescente, le cinéaste avait plaidé coupable de «relations sexuelles illégales» et avait passé un mois et demi en prison. Fin janvier 1978, menacé de retourner sous les verrous, Polanski avait pris un avion pour l'Europe où il vit depuis.


«Nous ne pouvons pas juger le contexte judiciaire de l'arrestation de Roman Polanski. Mais nous sommes choqués par ce qui est arrivé», ont déclaré les directeurs du festival de Zurich, Nadja Schildknecht et Karl Spoerri, cités dans un communiqué.


Les organisateurs ont reporté sine die la remise du prix, mais, en signe de «solidarité» vis-à-vis de celui qu'ils considèrent comme «l'un des cinéastes les plus extraordinaires de notre époque», ils ont décidé de maintenir la soirée d'hommage prévue.


Le ministre français de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand, s'est dit «stupéfait» par cette arrestation, rappelant que le cinéaste est citoyen français.


M. Mitterrand a souligné «s'en être entretenu avec le président de la République, Nicolas Sarkozy, qui suit le dossier avec la plus grande attention et partage le souhait (...) d'une résolution rapide de la situation».


«Sans vouloir s'immiscer dans un processus judiciaire très ancien et donnant lieu à des appréciations exagérées», Frédéric Mitterrand a indiqué «regretter de la manière la plus vive qu'une nouvelle épreuve soit ainsi infligée à celui qui en a déjà tant connu».


Le cinéaste d'origine polonaise, qui a passé son enfance dans le ghetto de Cracovie, a été naturalisé français en 1976.


Le réalisateur a construit en une quarantaine de films, comme acteur, réalisateur, scénariste ou producteur, une oeuvre pleine de grands écarts, suscitant à la fois admiration et réserves, depuis l'iconoclasme de ses premiers opus jusqu'à l'académisme de son Pianiste, qui lui a valu la Palme d'or du Festival de Cannes en 2002.


Accueilli à bras ouverts à Hollywood, son aventure américaine avait duré 10 ans, semée de bonheurs et de cauchemars. Bonheur de son mariage avec la ravissante actrice Sharon Tate, des grands films qui firent de lui un cinéaste de stature internationale, et cauchemar du sauvage assassinat de cette épouse aimée et enceinte en 1969 par les satanistes du tueur en série Charles Manson.