Le cinéma québécois s'intéresse depuis longtemps à la réalité des minorités sexuelles. Qu'on pense à Being at Home with Claude, J'en suis, C.R.A.Z.Y., Mambo Italiano ou plus récemment, J'ai tué ma mère.

Mais comment se porte la nouvelle génération de cinéastes LGBT (lesbien, gai, bisexuel, transgenre)? Qu'est-ce qui les distingue? Le succès récent de C.R.A.Z.Y. et de Xavier Dolan leur a-t-il donné un coup de pouce? Autant de questions à débattre en table ronde ce weekend, dans le cadre du 22e festival Image+Nation - qui se poursuit jusqu'au 1er novembre. Le point sur les «nouvelles voix LGBT» avec Charlie Boudreau, programmatrice de l'événement.

Q : C'est la première fois qu'Image + Nation organise une table ronde sur le cinéma «queer» québécois. Pourquoi cette année?

R : Parce qu'on assiste depuis deux ou trois ans à l'émergence d'une nouvelle gang de cinéastes LGBT francophones très intéressante. Je pense à Dominic Goyer. Jasmine Gervais, Olivier Lessard ou Étienne Desrosiers qui a réalisé le formidable Miroir d'été. Je ne dirais pas qu'ils sont les premiers. Mais disons qu'avant, c'était des gens qui étaient peut-être gais, mais qui ne tenaient pas à être identifiés comme tel. Les cinéastes plus assumés versaient plutôt dans l'expérimental. Je n'ai rien contre, mais ça allait chercher moins de monde. Là, ce sont des films plus narratifs.

Q : Comment expliquer ce déclic?

R : C'est une question que je continue de me poser. La majorité de ces jeunes créateurs sont issus d'écoles, comme l'INIS ou l'Université Concordia. C'est peut-être un hasard. Mais ça leur a peut-être donné un plus grand confort pour raconter une histoire LGBT.

Q : Le succès de C.R.A.Z.Y. et de J'ai tué ma mère, dans lesquels l'homosexualité est ouvertement évoquée, peut-il avoir joué un rôle dans cette nouvelle prise de parole?

R : Je pense que oui, surtout pour C.R.A.Z.Y qui a été en salle presqu'un an. Ça a ouvert la porte à ce genre de sujets. L'image a été adoptée et a légitimé quelque chose. J'ai tué ma mère, c'est encore trop nouveau. C'est un buzz. On jugera de son impact quand il commencera à faire les circuits de festivals de cinéma LGBT. Pour l'instant, c'est surtout les échos de Cannes et Toronto. Pour moi, le film de Dolan représente surtout l'accessibilité. La preuve qu'avec une bonne histoire et de bons comédiens, on peut tout faire.

Q : Qu'est-ce qui distingue le nouveau cinéma LGBT québécois? A-t-il une spécificité?

R : C'est une façon différente de raconter la même histoire. L'approche n'est pas nécessairement émotive, comme dans le cinéma américain. Il y a aussi un certain humour, très particulier. C'est rassurant. Parce qu'ailleurs dans le monde, beaucoup de films LGBT ont commencé à adapter la formule américaine, ce qui est extraordinairement triste.

Q : La réalité LGBT est quand même mieux reçue au Québec qu'ailleurs. Pourquoi ces jeunes créateurs éprouvent-ils le besoin de faire un cinéma aussi «orienté»?

R : Il n'y a rien de pire que dire que tout est correct. Le taux de suicide chez les jeunes gais est encore plus élevé au Québec qu'ailleurs. Si tout est correct, pourquoi nos jeunes se tuent-ils? Moi je pense qu'il y a encore un problème. Particulièrement dans les régions rurales, où il y a un gros déficit d'images et de réflexion sur l'identité. C'est justement pour essayer de combler ce déficit qu'on va commencer à mettre des courts métrages LGBT sur notre site web. C'est un programme qui s'appelle Queerment Québec et qui est destiné à rejoindre les gens isolés. Avec l'Internet, ces personnes peuvent aller voir les images qui parlent de leur réalité. C'est Image + Nation 2.0. On espère que ça encouragera les gens à générer leurs propres images et à nous les envoyer.

Le festival Image+Nation se déroule jusqu'au 1er novembre. La table ronde «La nouvelle vague - Les jeunes voix du cinéma LGBT au Québec» aura lieu demain 15h à l'Institut Goethe (418 Sherbrooke Est). Billets et horaire complet au www.image-nation.org