Absent du grand écran depuis quelques années, Vincent Perez renoue avec le cinéma français grâce à Demain dès l'aube, un film de Denis Dercourt dans lequel il enfile à contrecoeur un costume d'époque.

Il y a eu cette participation dans Nouvelle-France, où il prêtait ses traits à l'intendant Le Bigot. Il y avait eu aussi, juste auparavant, Je reste!, une comédie romantique de Diane Kurys dans laquelle il donnait la réplique à Sophie Marceau. Depuis, Vincent Perez est pratiquement absent de nos écrans de cinéma. Lui qui, à une certaine époque, enchaînait les tournages, s'est retrouvé, la quarantaine arrivée, à remettre son approche en question. Tout autant que ses envies.

«J'ai quand même été très occupé, expliquait-il la semaine dernière au cours d'une interview accordée à La Presse lors de son passage à Montréal. J'ai accepté des propositions de films à l'étranger, je me suis mis à la réalisation, et j'ai aussi pas mal travaillé à la télé. Il est vrai que les rôles qu'on me proposait pour le cinéma en France ne me correspondaient plus. Or, j'ai maintenant envie de sacraliser le cinéma. Désormais, je n'accepte que les projets auxquels je crois profondément.»

L'acteur n'hésite pas à dire que le cinéma français le boude un peu depuis quelques années, d'autant que les beaux rôles se font plus rares pour tout le monde.

«J'ai été très chanceux, reconnaît celui dont le premier grand film populaire fut Cyrano de Bergerac. J'ai eu droit à de beaux personnages dans de très bons films. Forcément, la barre est plus haute. Le rôle déclenche en vous la nécessité de vous y investir ou pas. J'estime d'ailleurs qu'on ne peut bien faire son travail que si le projet est à la mesure de sa passion. Je ne veux plus faire les trucs à moitié. Au cinéma, je ne souhaite faire des choses que si elles en valent vraiment la peine. Pour me payer ce luxe, je fais de la télé.»

L'état d'esprit de Vincent Perez a aussi changé. Dans la mesure où les préoccupations de l'homme sont aujourd'hui d'une nature différente. Et influent inévitablement sur son cheminement professionnel.

«J'aime la maturité, dit l'acteur. J'ai une vie stable, une femme, des enfants. Or, on me propose encore des rôles qui correspondent davantage à ce que je pouvais représenter à une autre époque. Je ne suis plus à la recherche des mêmes choses.»

Quand il a amorcé sa carrière, sa plastique avantageuse lui a vite valu un statut de jeune premier. Vincent Perez a souvent incarné les héros romantiques, tant dans des films à caractère historique (Indochine, La reine Margot, Le bossu, Fanfan lLa Tulipe) que contemporains (Fanfan). L'acteur porte d'ailleurs un regard lucide sur cette période.

«J'ai toujours pensé que j'avais une carrière d'actrice! lance-t-il en souriant. C'est-à-dire qu'on m'a souvent filmé comme une femme. On s'est beaucoup servi de mes appas. Et je m'en suis bien servi aussi! Aujourd'hui, à 45 ans, je suis heureux d'arriver à un âge où l'exigence se situe davantage dans les capacités d'acteur que sur mon physique. L'un n'empêche pas l'autre, remarquez.»

Jouer sur l'ambiguïté

Quand Denis Dercourt lui a proposé d'être de l'aventure de Demain dès l'aube, Vincent Perez affirme avoir sauté de joie.

«J'avais adoré La tourneuse de pages. Et puis, Denis est arrivé avec une vraie proposition, un univers fort. Je retrouvais dans son scénario un peu l'atmosphère trouble d'Eyes Wide Shut de Kubrick. J'aimais aussi la relation fraternelle très forte au coeur de cette histoire.»

Inspiré par ces groupes qui se réunissent en marge de la vie contemporaine pour reconstituer des batailles historiques, le récit de Demain dès l'aube se concentre sur le parcours de deux frères très liés. L'aîné (Vincent Perez), pianiste renommé, tente de sortir le cadet (Jérémie Renier) d'un monde où la frontière entre la réalité et le jeu de rôles peut s'effacer au point de constituer un danger très réel. Pour ce faire, il accepte d'aller rejoindre son frangin dans son univers, là où les gens qui s'adonnent à ce genre d'activités délaissent complètement leur vraie vie pour emprunter l'identité d'un personnage du passé.

Perez se glisse ainsi dans la peau d'un homme devant enfiler avec réticence un costume d'époque. Étant donné le nombre de films «à costumes» que Perez a déjà tournés, le film de Dercourt bénéficie d'une dimension supplémentaire, l'acteur ayant volontairement pris du recul par rapport au genre.

«Oui, bien sûr, cela me faisait plaisir de jouer ça, observe Vincent Perez. L'enfant que je suis sourit toujours quand on lui demande de revêtir un costume, mais je l'ai fait tellement souvent que j'en ressens aujourd'hui une certaine lassitude. J'ai évidemment joué de cette ambiguïté-là dans le film.»

Par ailleurs, pendant six mois l'acteur s'est par ailleurs mis au piano, un instrument dont il n'avait aucune notion auparavant. «J'ai appris quatre morceaux. Que j'ai répétés tant que j'ai pu. Je ne suis pas du tout pianiste aujourd'hui, mais j'ai la mémoire du geste. Je peux affirmer maintenant avoir un vrai rapport avec cet instrument. C'était d'abord ce qui m'importait. Il fallait qu'on y croie.»

Plus de complexes

L'écriture fait désormais partie de la démarche créatrice de Vincent Perez. Il scénarise en outre une bande dessinée. Aussi, il écrit présentement l'adaptation du roman d'Hans Fallada, Seul dans Berlin, qu'il compte porter lui-même à l'écran. Perez a déjà deux longs métrages à son actif en tant que cinéaste: Peau d'ange et The Secret. Ce dernier film, dont la tête d'affiche est David Duchovny, avait d'ailleurs été tourné dans les environs de Montréal.

«J'entretenais de grands complexes par rapport à l'écriture et j'ai mis des années à m'en débarrasser, explique-t-il. D'avoir scénarisé la bande dessinée La forêt m'a beaucoup aidé à cet égard. On dirait que ça m'a désinhibé!»

Pour l'instant, Vincent Perez s'apprête à faire de nouveau l'acteur, sous la direction de sa femme cette fois. Karine Silla tournera dès janvier Et si on changeait le monde..., son premier long métrage, auquel participent aussi Emmanuelle Béart, Cécile de France, Elsa Zylberstein et Anouk Aimée.

«C'est plus qu'un acte d'amour, précise Vincent Perez. C'est un acte d'acteur. Le rôle que j'y tiendrai est très enthousiasmant.»

Demain dès l'aube est à l'affiche depuis le 23 octobre.