Le cinéma québécois indépendant vient d'accoucher d'un nouvel auteur singulier, Simon Galiero. Connu des amateurs pour ses collaborations à la revue Hors Champ ou ses courts métrages, Simon Galiero signe avec Nuages sur la ville un premier long qui passe le réalisme au prisme avec un certain esprit caustique.

Quand on choisit comme comédiens deux figures importantes du cinéma québécois - Robert Morin et Jean-Pierre Lefebvre -, on s'inscrit dans une certaine lignée. «C'est certain qu'ils ont eu un impact: ils sont une part importante de ma cinéphilie», admet Simon Galiero.

Jean-Pierre Lefebvre, Robert Morin et Théo Spychalski, tous trois réalisateurs, jouent trois personnages bien différents. L'un est un auteur en mal d'inspiration; l'autre est un homme amputé par la perte de son emploi; le dernier, enfin, est un intellectuel bavard en désaccord total avec son époque qu'il assimile au micro-onde.

Tous trois constituent, selon Galiero, des facettes d'un même personnage allégorique: le cinéaste, pris entre pannes d'inspiration, incompréhension de la société et boulots alimentaires. «C'est une galerie de personnages qui barbottent dans l'époque contemporaine», dit-il.

Sérieux sur le fond, Nuages sur la ville s'accorde une relative légèreté dans sa mise en scène et les dialogues. Simon Galiero joue des décalages absurdes créés par un intellectuel qui passe, maladroitement, à la Wii ou de deux intellectuels polonais dissertant, dans le bois, de l'état du monde.

«Mon plaisir, c'est d'aborder des trucs sérieux, mais de le faire au second degré, comme par exemple, écrire une situation dialoguée dans les bois», explique-t-il. Quant à savoir s'il prend le parti du «vieil intellectuel pourfendeur du capitalisme triomphant» ou le jeune homme qui se veut optimiste, Galiero affirme: «J'aurais plus d'affinités avec Théo, mais je tenais à ce qu'il soit contredit.»

Dans le film, le petit-fils de Jean-Paul, produit de l'époque, ne comprend pas pour autant mieux le monde dans lequel il vit. Quand il finit par trouver ce qu'il cherchait, il le repère aussitôt dans le dédale de rues d'une banlieu anonyme. «C'est une anecdote d'Andrzej Wajda qui est arrivée à un de ses amis qui m'a inspiré cette idée. Je trouvais bien que la quête de ce personnage frappe un mur concret», dit-il.

Simon Galiero ouvre la porte à des intrusions plus symboliques de la société. Les radios, par exemple, diffusent surtout des messages alarmants concernant la nourriture, la pollution et les maladies. «C'est une façon ironique de placer ces enjeux dont les personnages ne parlent pas», dit-il.

Avec les animaux (le zoo) et l'impossible prise de possession du bois en dépit de la volonté d'un retour à la nature, les hommes sont aussi prisonniers de leur condition, tels les animaux du jardin zoologique avec lesquels travaille un des personnages. «Cela correspond à leur propre enfermement», souligne le cinéaste.

Les tentatives des personnages de retourner vers la nature sont vaines. L'homme et la nature, considère Galiero, cela ne fonctionne peut-être plus très bien mais Nuages sur la ville «n'est pas un appel au retour à la nature, c'est une question», croit-il. Une question posée avec humour, et en noir et blanc.