John Woo est-il encore à présenter? Grande figure du cinéma de Hong-Kong, qui a tenté sa chance aux États-Unis le temps de quelques films commerciaux (notamment Face/Off, avec John Travolta et Nicolas Cage) avant de rentrer chez lui et de tourner Red Cliff, saga ambitieuse, ancrée dans l'histoire et le folklore de son pays.

Joint au téléphone, le cinéaste a bien voulu nous parler unpeu, dans un anglais aussi approximatif que le nôtre, à propos de ses récents projets et de ce qu'on appellera sans flatterie le «style John Woo», mille fois malicieusement imité, mille fois respectueusement pastiché.

«Mon style? Je ne sais pas trop, admet le routier de 63 ans. Au fond, je suis de la vieille école et je m'ennuie un peu du bon vieux temps, d'une certaine façon de faire. Mes modèles sont, entre autres, David Lean, Stanley Kubrick, Truffaut, Melville.»

Le cinéma de John Woo est presque toujours, métaphoriquement ou graphiquement, chargé à la fois d'une grande violence et d'un profond lyrisme. The Killer (1989), Bullet in the Head (1990) et A Better Tomorrow (1986), qui l'ont fait connaître chez nous par le festival Fantasia, sont déguisés en films d'action, des tragédies qui parlent essentiellement d'honneur et de trahison. Les scènes de violence, fusillades et massacres, minutieusement chorégraphiées, sont tournées comme des ballets. John Woo use de techniques éprouvées, mais délaissées aujourd'hui (zooms intempestifs, ralentis.)

«Je suis un romantique, dit-il. Pour moi un film, peu importe le genre, c'est un poème, c'est une peinture. Les miens sont avant tout des histoires humaines. La violence ne me gêne pas, tant qu'elle sert au récit.»

Red Cliff

Red Cliff, épisodes 1 et 2, relate les batailles de la lointaine époque des Trois royaumes chinois (on est en l'an 208.) Films épiques, aux scènes de foules combattantes, de pluies de flèches et de bateaux en feux. John Woo a évidemment eu recours aux technologies de pointe, sans en abuser. Loin de les mépriser, même s'il se considère «vieux jeu» l'usage de ces gadgets techno, le cinéaste en parle comme de simples outils: «J'en avais besoin pour recréer ces scènes de batailles. La production aurait été impossible dans des décors en carton.» John Woo rigole timidement quand on compare Red Cliff à Lord of the Rings.

Hésitant entre son statut d'auteur, au sens chic, et sa position de figure respectée du cinéma dit de genre, John Woo parle de son épisode américain (on lui doit entre autres Mission Impossible 2) comme d'une expérience fascinante et gratifiante, mais aussi comme d'un pénible défi. «J'ai beaucoup plus de liberté à Hong-Kong. Le réalisateur est considéré comme une star, alors qu'à Hollywood, il faut toujours répondre aux demandes et rendre des comptes aux producteurs. Et il n'y a plus beaucoup de bons scénarios à Hollywood. Cela explique peut-être tous ces remakes américains de films asiatiques.»

Peut-être? Quelle modestie!

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Le film prendra l'affiche en version originale sous-titrée en anglais, et en français le 4 décembre.