Le Québec vient de dire adieu à l’un des pionniers de son cinéma. Les obsèques de Gilles Carle ont été célébrées aujourd’hui à Montréal dans l’émotion et la simplicité. Proches, artistes, politiciens et simples citoyens se sont massés par centaines à l’intérieur de la basilique Notre-Dame pour rendre un dernier hommage à l’homme et son imaginaire.

«Dis-moi, Gilles, que tu es mon au-delà, dis-moi, Gilles, que je suis ton au-delà. Toi, animal blessé», a affirmé la conjointe du défunt, Chloé Sainte-Marie, lors de la cérémonie. «La nuit étoilée t’emporte dans un monde qui te garde vivant. Et je te vois atteindre l’horizon sans moi», a-t-elle ajouté avant d’interpréter Brûle Brûle, la dernière chanson composée par son mari.

Le créateur d’une trentaine de longs métrages dont Les Plouffes et La vraie nature de Bernadette a eu droit à des funérailles nationales pour souligner son apport colossal à la culture québécoise. Un honneur que seulement six personnes dont Claude Ryan, Maurice Richard et Jean-Paul Riopelle, se sont déjà mérité.

Le premier ministre Jean Charest, a été le premier à prendre la parole pour souligner l’importance de l’héritage légué par Gilles Carle.

«Il aura été provocateur, dénonciateur et libérateur», a-t-il expliqué. «Son œuvre aura précipité l’éveil du Québec, qui sortait de ses dogmes et de son conservatisme et qui prenait conscience de lui-même. Son œuvre en aura été une d’affranchissement du Québec. Cet esprit bouillonnant était un artiste à part entière.»

Gilles Carle, le plus prolifique et sans doute le plus éclaté des pionniers du cinéma québécois s'est éteint samedi dernier à l'âge de 81 ans. Atteint de la maladie du Parkinson, il avait été hospitalisé à la suite d’un infarctus il y a environ un mois. Il souffrait également d’une pneumonie d’aspiration.

«C'était un homme profondément épris du Québec et de ses gens», a ajouté le premier ministre Charest. «Aux côtés de Chloé Sainte-Marie, il s'est éteint au terme d'un long combat que les Québécois ont suivi avec admiration.»

Le cinéaste Charles Binamé, qui a côtoyé Gilles Carle lors des dernières années de la maladie qui le minait depuis le début des années 1990, a livré un témoignage éloquent. Il a comparé son ami à un totem et un phare, fier devant sa maladie.

«Gilles, connaissant ton humour espiègle, je devine que le cinéaste en toi peut bien se réjouir aujourd’hui de contempler cette magnifique figuration rassemblée ici pour cette scène de funérailles... Si j’évoque ton œil de cinéaste, c’est que tu m’as donné de constater que la ligne de partage entre le réel et ton imaginaire pouvait zigzaguer allègrement, à large trait, piquée d’ironie et d’une poésie inégalable», a-t-il dit.

À la fin de la cérémonie, une vingtaine de comédiens qui ont joué dans ses films se sont rassemblés devant le cercueil. Plusieurs dont Micheline Lanctôt, Luc Senay et Pierre Curzi lui ont lancé quelques mots d’aurevoir.

«Gilles Carle, je l’ai aimé profondément. Quand je l’ai rencontré je suis entrée dans sa lumière. Sa lumière me viendra jusqu’à la fin de mes jours», a alors affirmé son ancienne compagne, la comédienne Carole Laure. «Il a orienté ma vie, il m’a fait aimer la vie, la beauté, le Québec et l’hiver. C’était l’homme le plus merveilleux du monde.»

Le sculpteur Armand Vaillancourt a également profité de cette tribune pour réclamer une enquête «éclairée sur le crime organisé» au gouvernement Charest.

Lorsque le cercueil de Gilles Carle est sorti de l’église, des centaines de personnes massées à l’extérieur l’ont applaudi.

Les citoyens qui n’ont pu se déplacer, mais qui souhaitent faire parvenir leurs condoléances à la famille du défunt le peuvent grâce à internet. Le gouvernement du Québec a mis en ligne cette semaine un registre à la mémoire de Gilles Carle qui sera par la suite transmis à sa famille: www.protocole.gouv.qc.ca/gillescarle.

> Notre galerie photo de la cérémonie: Les funérailles de Gilles Carle