Il était une fois une boutique imaginaire dans un village imaginaire où les gens ne savaient plus comment s'amuser dans cette vie imaginée.

Le scénario de Tic Tac existe bel et bien, lui. Il a été tourné par des comédiens et des techniciens professionnels dans un décor tout ce qu'il y a de plus professionnel, avec de vrais éclairages et de vraies caméras. À l'Institut national de l'image et du son (INIS), on ne fait pas semblant.

«C'est calqué sur un vrai plateau de cinéma, explique Ginette Petit, directrice du programme de fiction. Le premier jour, tous les producteurs ont leur bureau avec un téléphone et on leur dit, vous allez produire pendant quatre mois et demi. Ils doivent être polyvalents pour souvent gérer trois projets en parallèle.»

En quelques mois, ou un semestre, tous les étudiants - dans les trois secteurs d'enseignement, soit production, réalisation et scénarisation - participent à trois projets de courts métrages.

«Ils apprennent à travailler en triade et c'est très difficile, note la directrice. Ils doivent choisir leurs collègues sans vraiment les connaître.»

Étudiante en production, Isabelle Tincler avait déjà de l'expérience en jeu. Arrivée de Belgique, il y a huit ans, elle a cofondé le Théâtre L'instant où elle jongle aussi avec les chiffres. «J'ai commencé à apprécier tout ce qui relève de la production. En tant que comédienne, je visitais beaucoup de plateaux de cinéma, alors je me suis dit, pourquoi pas une formation? C'est comme ça que je suis atterrie à l'INIS.»

Lors de la visite de plateau du représentant de La Presse, son téléphone ne cessait pas de sonner. Des pépins, des questionnements, des conflits à régler.

«On voit des petits problèmes dans les petits projets. On fait des erreurs qu'on ne fait plus dans le deuxième projet et en grossissant de projet, on voit des problèmes de plus en plus gros. On développe des outils petit à petit pour avancer», raconte Isabelle Tincler.

Scénario

Le départ d'un projet commence évidemment par le choix du scénario de court métrage. Comme dans la vraie vie du vrai cinéma. Il existe, par ailleurs, un programme spécifique à l'INIS pour l'écriture d'un long métrage. Le travail dure pendant un an et demi sous la supervision de professionnels, là aussi.

Dans le programme court, toutefois, les étudiants en scénarisation doivent écrire quatre scénarios, le quatrième devant être un moyen métrage qui ne sera pas réalisé.

Arrivée du Pérou en 2004, Marcella Cossios avait fait du théâtre et du stand-up dans son pays avant de faire des études en linguistique à l'Université de Montréal. L'écriture, c'est son rêve.

«Ça m'a pris beaucoup de courage pour entrer à l'INIS en soumettant un texte, avoue-t-elle. Comme le français n'est pas ma langue maternelle, ça m'effrayait un peu.»

Là encore, comme dans le milieu du cinéma professionnel, les scénaristes de l'INIS ne sont pas tout à fait des étudiants comme les autres.

«Nous sommes toujours un peu dans notre bulle, dit-elle. Les producteurs doivent penser à 36 000 choses en même temps. Je ne serais pas capable. Moi, je suis toujours un peu dans les nuages, en train de penser à mes histoires.»

Professionnels

Mais la formation ne dure que quelques mois. Il faut vite revenir les pieds sur terre. D'autant plus que les tournages se font avec de vrais professionnels.

«La règle à l'INIS, c'est que tous les comédiens et techniciens sont des professionnels, raconte Ginette Petit. On a des ententes avec l'AQTIS et l'UDA pour ça. Ce sont des partenaires. Notre école est ce qu'elle est grâce à ça. Dans le milieu, les comédiens et techniciens nous disent tous qu'ils veulent redonner ce qu'ils ont appris. Ils sont très généreux.»

Tout à fait d'accord, Isabelle Tincler se dit étonnée par cette l'expérience pratico-pratique qu'elle a vécue à l'INIS.

«C'est une expérience extraordinaire, dit-elle. La productrice superviseure nous a proposé plein de professionnels. On apprend tout en parlant avec des personnes expérimentées. Ces gens ont une carrière et ils prennent le temps de faire la préparation et de nous apprendre. Il y a plein de genèses d'alliances qui commencent ici.»

Même son de cloche chez Marcella Cossios, qui a pourtant eu maille à partir avec le premier réalisateur avec lequel elle a travaillé.

«Pour le premier projet, dit-elle, j'ai travaillé avec un excellent réalisateur mais qui avait une personnalité très forte. Ça a été dur.»

Pas de nuage en vue toutefois avec le réalisateur de Tic Tac, Frédéric Barrette. Diplômé de l'École nationale de cirque en 2003, celui-ci a longtemps roulé sa bosse avant de décider de se lancer dans le cinéma.

Communications

Mais les conflits font aussi partie de la vie et des relations de travail, rappelle Ginette Petit, et ce, peu importe le milieu.

«On mise beaucoup sur la communication en création, souligne-t-elle. C'est un défi majeur. Cette année a été un peu plus difficile. On a des étudiants très talentueux et ça implique des positions très fortes. Mais en sortant d'ici, ils seront capables de passer à travers les épreuves plus que d'autres qui ont connu des sessions plus harmonieuses.»

Marcela Cossios se dit «impressionnée»par son apprentissage à l'INIS. Son rêve se poursuit avec de nombreux projets de moyens et de longs métrages.

«Travailler avec des professionnels m'a beaucoup appris. Je crois que mon écriture est meilleure maintenant. J'écris un moyen métrage sous la supervision de Fernand Dansereau. Au cinéma, je suis comme un poisson dans l'eau», conclut-elle.

Faire l'INIS, comme le dit la campagne publicitaire de l'institution, n'est pas nécessairement de tout repos, toutefois. La plupart des plus de 400 diplômés depuis 1996 ne chôment pas pendant ni après leurs études.

«Tous les étudiants en production passent Noël en dessous du sapin. Ils n'ont même pas le temps de s'emballer», conclut Ginette Petit.