Délaissant pour un temps les superproductions à la Seigneur des Anneaux ou à la King Kong, Peter Jackson porte à l'écran le roman à succès d'Alice Sebold, de caractère plus intimiste. L'entreprise n'en est pas moins ambitieuse. Et risquée.

Quand Peter Jackson a annoncé qu'il se lançait dans une adaptation cinématographique de The Lovely Bones, le roman à succès d'Alice Sebold, plusieurs observateurs n'ont pu s'empêcher d'établir des liens avec l'un de ses précédents films. Le cinéaste néo-zélandais s'était en effet imposé pour la première fois sur la scène internationale, il y a plus de 15 ans, avec Heavenly Creatures, un film intense, de caractère intimiste, dans lequel fut notamment révélée une remarquable jeune comédienne, nommée Kate Winslet. Depuis, le cinéaste s'est attaqué à des projets très ambitieux, truffés d'effets spéciaux. La trilogie du Seigneur des Anneaux a fait école. King Kong a aussi connu un succès planétaire.

C'est au moment où il terminait la post-production de The Two Towers que son attention a été attirée par un roman publié en 2002, autour duquel circulait une formidable rumeur.

«En tant que parent, on ne peut faire autrement que d'être touché par cette histoire, a déclaré récemment Peter Jackson au cours d'une conférence de presse tenue à Los Angeles. Cette lecture m'a bouleversé. J'y ai vu tout de suite la possibilité d'un beau film.»

Campé en 1973, le récit s'attarde à décrire comment une adolescente continue à veiller sur sa famille de l'au-delà. Saoirse Ronan, révélée dans Atonement de Joe Wright, prête ses traits à la jeune fille assassinée. Coincée entre deux dimensions, cette dernière est déchirée entre le désir de venger sa mort violente, et celui de voir ses proches, notamment ses parents (Rachel Weisz et Mark Wahlberg), surmonter leur peine et continuer à vivre. Et ce, même si le meurtrier (Stanley Tucci) est toujours au large...

«La façon avec laquelle l'auteure aborde cette histoire est extrêmement puissante, explique Jackson. Et confronte le lecteur à l'un des pires cauchemars que puisse imaginer un parent: la perte d'un enfant dans des circonstances violentes.»

Des pièges

Le cinéaste affirme en outre être bien conscient des pièges que comporte l'adaptation cinématographique d'un roman populaire.

«Une adaptation parfaite n'existe pas, affirme-t-il. La perfection, c'est l'oeuvre originale. Il serait impensable d'essayer d'en faire une copie carbone à l'écran. Cela ne serait pas intéressant de toute façon. Je sais que le livre d'Alice Sebold a ses ardents admirateurs mais je ne peux pas faire un film seulement en fonction d'eux.»

Une tragédie innommable figurant au coeur du récit, la question de la représentation du meurtre s'est vite posée. Jackson, qui s'est d'abord fait connaître avec des films de genre, violents et plutôt gore, s'est notamment fait reprocher son approche plus «timide» à cet égard.

«Là n'était pas le propos, explique-t-il. D'autant qu'à la base, le drame est très réaliste. Il m'importait de faire un film que les ados pourraient voir. Je n'ai jamais envisagé cette histoire sous l'angle du meurtre. J'y voyais plutôt une exploration du domaine de l'inconscient.

«J'ai montré des choses extrêmes dans mes premiers films, poursuit-il, mais là, j'estimais qu'il était primordial d'éviter toute complaisance. Surtout quand on évoque la violence faite aux enfants. Il existe maintenant une surenchère à cet égard. Combien de viols et de meurtres devons-nous voir pour satisfaire notre appétit? Je préfère laisser le tout à l'imagination du spectateur. C'est beaucoup plus fort comme ça!»

Connotations religieuses?

L'autre piège consistait à donner corps à une forme onirique tout en conservant l'aspect très réaliste du récit. La petite Susie évoluant dans un monde parallèle, sorte de purgatoire avant d'entrer dans une autre dimension, les connotations religieuses s'inscrivaient d'emblée dans cette évocation de l'au-delà.

«Nous avons tout fait pour les éviter, fait remarquer Peter Jackson. Bien entendu, le spectateur interprétera l'histoire à l'aune de ses propres convictions. Personnellement, je voulais surtout faire écho à une énergie spirituelle que nous portons en nous-mêmes. Il n'était pas question d'essayer de montrer de façon concrète à quoi ressemble ce qu'on appelle «l'après-vie». Il s'agissait plutôt d'entrer dans le subconscient de cette jeune fille et de tenter de l'exprimer en images.»

Aussi très actif à titre de producteur, Peter Jackson planche notamment sur les projets de films des Aventures de Tintin, qu'il cogite avec Steven Spielberg (The Adventures of Tintin: The Secret of the Unicorn prendra l'affiche le 23 décembre 2011). Il demeure aussi producteur délégué des deux volets de The Hobbit que réalise Guillermo Del Toro. Aucun nouveau projet de réalisation ne figure encore officiellement à son plan de travail.

«En tant que cinéaste, la seule chose que je crains est la répétition. Cela ne veut toutefois pas dire que je ne me lancerai pas de nouveau dans des films de nature fantastique», conclut-il.

The Lovely Bones (La nostalgie de l'ange en version française) prend l'affiche le 15 janvier.

Les frais de voyage ont été payés par Paramount Pictures.