Le cinéaste français Eric Rohmer est mort hier à l'âge de 89 ans. Le réalisateur le plus secret de la Nouvelle Vague a marqué, en 50 ans et 25 films, le cinéma français, se distinguant par l'écriture élégante et intelligente de ses scénarios et sa totale indépendance.

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Eric Rohmer était l'un des cinéastes les plus secrets de la Nouvelle Vague du cinéma français, l'auteur de fraîches comédies sentimentales peuplées de jeunes filles en fleur et un érudit qui célébrait la langue et la littérature françaises.

Il avait été hospitalisé il y a une semaine, ont indiqué ses proches sans plus de détails. Aucune disposition n'a encore été prise pour les obsèques du cinéaste, a-t-on ajouté de même source.

Souvent vu comme le Marivaux ou le Musset du cinéma français, Eric Rohmer a placé la parole au coeur de ses oeuvres, dont l'intrigue narrative se noue autour de la conversation et du badinage amoureux.

«Ce n'est pas un travail de faire des films, c'est une passion, comme d'autres ont la passion du jeu ou de la pêche à la ligne», disait Rohmer à l'AFP avant d'ajouter: «Je n'ai jamais eu de déceptions en faisant mes films, je n'ai pas eu l'impression d'en rater un.»

Des réalisateurs de la Nouvelle Vague, Claude Chabrol, Jacques Rivette ou Jean-Luc Godard, Eric Rohmer était celui qui était le plus avant-gardiste, croit le réalisateur et scénariste québécois Olivier Asselin (Un capitalisme sentimental)..

«Rohmer, dans ce monde-là, a fait un cinéma très différent, un cinéma des relations humaines, avec un accent sur les relations amoureuses, explique-t-il. Il signe un cinéma naturel, mais pas réaliste: tout est écrit minutieusement.»

Né Jean-Marie Maurice Schérer en 1920, Eric Rohmer a d'abord enseigné la littérature avant de se consacrer à la critique cinématographique. C'est dans la littérature aussi qu'Eric Rohmer a puisé son inspiration: Marmontel pour ses contes moraux, Alfred de Musset pour les «comédies et proverbes» ou encore Honoré d'Urfé pour Les amours d'Astrée et Céladon (2007).

Rédacteur en chef de la Gazette du cinéma puis des Cahiers du cinéma entre 1957 et 1963, il a été l'un des fervents admirateurs d'Alfred Hitchcock, à qui il a consacré un livre, cosigné avec Claude Chabrol. «En bon disciple que je suis d'Alfred Hitchcock, il faut qu'il y ait du suspense dans mes films, je n'aime pas les films ennuyeux», disait-il.

Dès ses débuts en cinéma, en 1959 avec le moyen métrage Le signe du lion, Eric Rohmer signe ses scénarios et monte sa propre maison de production, Les films du losange, avec Barbet Shroeder.

C'est dans les bureaux des Films du losange que Claude Chamberlan, le fondateur du FNC, a rencontré Eric Rohmer, il y a une quinzaine d'années.

«Je ne l'ai rencontré qu'une seule fois, se souvient-il, mais il était très ouvert, très indépendant d'esprit et de coeur. Avec Rivette, il est le seul des réalisateurs de la Nouvelle Vague qui soit resté indépendant. C'était aussi quelqu'un de très reclus.»

Les festivals montréalais ont suivi la carrière de ce réalisateur singulier: le FNC a présenté Conte de printemps (1990), les récents L'anglaise et le duc (2001) ou Les amours d'Astrée et Céladon (2007), le FFM quant à lui avait sélectionné en 2004 Triple agent.

«C'était une voix: il avait une écriture très singulière, très personnelle, estime la vice-présidente du FFM, Danièle Cauchard. Il a marqué le cinéma d'auteur: il avait aussi un humour très décalé. Il était toujours sur la crête, mais parvenait à maintenir le cap.»

Réactions en France

Du côté de la France, les hommages ont été nombreux hier. «Eric Rohmer était tout pour moi. Il était le plus important, je lui dois tout», affirmait hier le comédien Fabrice Luchini, qui a tourné sous la direction du cinéaste dans de nombreux films, dont Perceval le Gallois et Les nuits de la pleine lune.

L'ancien ministre français de la Culture, Jack Lang, a dit regretter hier la disparition de «l'un des maîtres du cinéma français», dont l'écriture comme les créations étaient placées «sous le signe de l'exigence et de la rigueur».

Observateur des comportements amoureux et de la comédie sociale, Eric Rohmer avait organisé son oeuvre en cycles: il y a eu les six «Contes moraux», parmi lesquels Ma nuit chez Maud et Le genou de Claire.

Viennent ensuite les «Comédies et proverbes», un cycle dans lequel on retrouve Les nuits de la pleine lune ou Le rayon vert. Enfin, les années 90 ont vu apparaître Les contes des quatre saisons.

Avec AFP, AP.

 

Filmographie sélective

Ma Nuit chez Maud (1969, prix Max Ophuls)
Le genou de Claire (1970, prix Louis Delluc)
L'amour l'après-midi (1972)
La marquise d'O (1976)
Perceval le Gallois (1978, prix Méliès)
La femme de l'aviateur (1980)
Le beau mariage (1982, prix Louis Lumière)
Pauline à la plage (1983)
Les nuits de la pleine lune (1984)
Le rayon vert (1986, Lion d'Or à Venise)
L'arbre, le maire et la médiathèque (1993)
Les Rendez-vous de Paris (1994)
Conte d'été (1995)
Conte d'automne (1998)
Les amours d'Astrée et de Céladon (2007)