Le cosmodrome de Baïkonour au Kazakhstan a perdu de son lustre, mais alimente encore les rêves de «touristes» prêts à payer 20 millions de dollars pour un ticket pour l'espace, comme en témoigne le documentaire du Suisse Christian Frei, présenté à Sundance.

Le réalisateur, nommé à l'Oscar en 2002 pour War Photographer, revient en compétition au festival américain qui se tient jusqu'au 31 janvier à Park City, dans les montagnes de l'Utah (ouest des Etats-Unis), quatre ans après y avoir présenté The Giant Bouddhas.

L'idée de Space Tourists («Touristes de l'Espace») est née de la lecture d'un article sur «un milliardaire japonais qui voulait s'envoler pour la Station Spatiale Internationale (ISS) et payer 20 millions de dollars pour enfiler là-haut le costume de son personnage de manga préféré. «Je me suis dit qu'il y avait quelque chose de fou, là-dedans», raconte Christian Frei à l'AFP.

«J'étais aussi curieux de savoir ce qui restait du versant russe de la conquête de l'espace», ajoute-t-il.

En suivant la préparation de l'excentrique Daisuke Enomoto, il découvre ainsi, perdu dans l'immensité des steppes du Kazakhstan, le cosmodrome de Baïkonour, qui compta jusqu'a 130 000 habitants au temps des grandes heures du programme spatial russe, aujourd'hui financé pour moitié par les «touristes».

Avec l'aide de Jonas Bendiksen, un photographe de l'agence Magnum, il approche également les ferrailleurs kazakhs qui recueillent après chaque lancement les débris de fusée, pour en revendre les composants - aluminium et titane, essentiellement - à la Chine.

«Avant la chute de l'Union soviétique, la steppe était littéralement couverte de morceaux de fusées et autres débris, mais personne n'osait y toucher», raconte M. Frei. «Après, les gens ont réalisé qu'ils pouvaient les vendre à la Chine et c'est alors que le marché s'est mis en place».

Les autorités russes ne souhaitant pas que le documentariste filme ces «ferrailleurs alcooliques», voulaient rejouer les scènes avec des acteurs. Impensable, pour Christian Frei, qui mettra un an pour trouver un plan B.

«Avec le logiciel Google Earth, on a pu zoomer sur la région et mon assistant a fait une énorme carte où l'on pouvait voir les petites traces laissées par les camions des ferrailleurs. J'ai réalisé que je pouvais atteindre la zone par le sud. Les Russes n'ont rien pu faire», dit-il.

Le jeu en valait la chandelle. Les images des ferrailleurs guettant, au milieu de nulle part, la chute des débris spatiaux sont exceptionnelles. «Je suis presque sûr que personne ne pourra refilmer ça», observe Christian Frei.

Trois semaines avant la date prévue du départ, le milliardaire japonais fut écarté du programme pour raisons médicales et remplacé par Anousheh Ansari, qui deviendra la première femme touriste de l'espace.

Cette femme d'affaires américano-iranienne avait toujours rêvé de voyager dans l'espace et a bâti sa fortune pour y parvenir.

«Je savais, au fond de mon coeur, que je trouverais le moyen», dit-elle à l'AFP. «J'avais dit à mon mari que si je mourais sans avoir pu aller dans l'espace, je voulais qu'il fasse en sorte d'y envoyer mes cendres».

Pour Christian Frei, qui a pu utiliser les images tournées par Anousheh pendant ses huit jours dans l'ISS, le voyage dans l'espace n'est pas dans la liste des priorités. «Si j'avais 20 millions de dollars je n'irais pas dans l'espace, car j'ai d'autres rêves», dit-il.

Anousheh Ansari, elle, est déjà sur la liste des futurs touristes de «Virgin Galactic», la fusée commerciale du milliardaire Richard Branson. «Vous savez, le voyage dans l'espace, c'est comme une drogue».