Aux États-Unis, une cinématographie nationale tente de faire sa place: le cinéma indépendant américain. En dehors des grands studios et autres mini-majors, les réalisateurs, producteurs et distributeurs indépendants luttent aussi pour faire exister un cinéma différent du moule hollywoodien.

Ce n'est pas seulement à l'étranger qu'Hollywood écrase le cinéma indépendant. Boudé sur le circuit international des festivals de cinéma, le cinéma indépendant américain lutte dans un marché ultracompétitif, dans lequel 200 films prennent l'affiche toutes les semaines et 10 000 films indépendants sont soumis chaque année sur Without A Box, le site des festivals de cinéma américains.

Onze ans après avoir jeté les bases du scénario de son film, la réalisatrice Tanya Hamilton ne cache pas sa joie de présenter, enfin, son premier long métrage à Sundance: Night Catches Us, un film mêlant rédemption, histoire d'amour dans l'Amérique de l'après-Black Panthers - et sur une bande sonore signée par The Roots.

«Cela a été une route incroyablement longue», reconnaît la jeune femme. Le plus dur reste pourtant à venir: comme pour la majorité des films présentés à Sundance, Tanya Hamilton et son producteur, l'acteur Ron Simons, espèrent profiter de la présence, à Park City, de l'industrie du cinéma pour trouver la pièce manquante au film: un distributeur.

«J'espère que l'on finira par trouver un distributeur, mais qui sait, dit Ron Simons. Vous pouvez demander à n'importe qui ici: c'est très difficile d'avoir des histoires en dehors d'Hollywood. Vous savez, tout ce qui compte, c'est l'argent. Comme producteurs, nous devons reconnaître ça: le cinéma, c'est un business

Cette année, quelques films ont déjà trouvé preneur dans un contexte toujours ralenti par la crise. D'après Variety, l'une des meilleures transactions conclues à Park City jusqu'à présent est l'achat par Lionsgate, pour 3,2 millions, des droits du film à suspense Buried, de Rodrigo Cortes. The Kids Are All Right, de Lisa Cholodenko, a aussi créé la surprise lundi soir et ses droits ont été achetés pour 4 millions par le distributeur Focus.

Ryan Piers Williams, qui a présenté à Sundance son premier film, The Dry Land, espère lui aussi trouver preneur pour une large distribution aux États-Unis. Le drame romantique Blue Valentine de Derek Cianfrance, a aussi suscité de l'intérêt et devrait aussi trouver preneur.

Ces quelques films se distinguent toutefois par un élément que ne peuvent s'offrir bien des réalisateurs indépendants: des vedettes. Ryan Reynolds est le seul comédien que l'on voit dans l'audacieux Buried, qui se déroule dans un cercueil; Ryan Piers Williams a offert l'un des rôles-titres de son film à sa petite amie et productrice exécutive, America Ferrera. Enfin, Blue Valentine, produit par la maison à qui l'on doit Half Nelson, et mettant en vedette deux chouchous du cinéma indépendant, Ryan Gosling et Michelle Williams.

«On doit aussi aller contre les films prétendument indépendants, comme Little Miss Sunshine, qui n'a rien d'indépendant dans sa production», croit Jason Tyrell, directeur des acquisitions de la maison de distribution Indie Pix, qui représente deux films à Sundance. Pour promouvoir All My Friends Are Funeral Signers, cet habitué de Sundance mise sur la créativité d'une distribution qu'il qualifie «d'hybride»: une sortie dans des salles indépendantes, des performances dans les musées ou les universités et un accès «sur demande» du film.

«C'est sûr qu'on ne va pas aller dans un multiplexe», dit-il. À Sundance, les indépendants que l'on peut croiser à chaque coin de rue ne cèdent pourtant pas au pessimisme, au contraire. «L'art se porte bien, il suffit de regarder ce qu'il y a à Sundance pour s'en rendre compte», conclut M. Tyrell.