La 60e Berlinale s'ouvrait jeudi avec un drame sur un amour balayé par l'Histoire, Apart Together ou les douloureuses retrouvailles d'amants âgés ayant vécu l'un en Chine communiste l'autre à Taïwan, un film qui résonne singulièrement dans la ville du Mur.

Dans une capitale allemande enneigée et verglacée, le cinéaste chinois Wang Quan'an brigue à nouveau, à 44 ans, l'Ours d'or revenu en 2007 à son Mariage de Tuya, une ode à la vie pastorale des populations mongoles.

Entouré de ses deux comédiennes, Lisa Lu, 78 ans, qui tourna dans The Last Emperor de Bernardo Bertolucci, et la ravissante jeune Monica Mo, il a lancé cette Berlinale au côté du directeur artistique Dieter Kosslick et du président du jury, le cinéaste allemand Werner Herzog.

Il sera en compétition avec 19 autres films dévoilés en première mondiale ou internationale lors d'une édition anniversaire hors normes, puisqu'elle présente au total près de 400 longs métrages jusqu'au 21 février.

Parmi les cinéastes en lice pour l'Ours d'or figurent le Britannique Michael Winterbottom, le Danois Thomas Vinterberg, le Japonais Koji Wakamatsu ou encore le tandem français Benoît Delépine-Gustave de Kervern.

Très attendu, The Ghost Writer, le thriller du franco-polonais Roman Polanski, sera dévoilé vendredi en l'absence du réalisateur, assigné à résidence en Suisse dans l'attente d'une éventuelle extradition vers les États-Unis pour une affaire de moeurs datant de 1977. Le cinéaste a décidé de ne pas parler de son dernier long métrage à la presse.

Ses acteurs Ewan McGregor et Pierce Brosnan, l'ex-James Bond, défendront cette adaptation du roman de Robert Harris L'homme de l'ombre, où un ancien Premier ministre britannique inspiré de Tony Blair emploie un «nègre» pour rédiger ses sulfureux mémoires.

Quand un scandale l'éclabousse, le politicien qui redoute la justice de son pays se retrouve coincé aux États-Unis - une intrigue qui n'est pas sans rappeler la fuite de Polanski hors du territoire américain où il pourrait être jugé pour des relations sexuelles illégales avec une mineure.

Mais jeudi Apart Together inspiré d'une histoire vraie, a plongé les festivaliers dans le drame intime d'une grand-mère, Yu-e (Lisa Lu) qui retrouve son amour de jeunesse (Ling Feng).

Soldat des troupes nationalistes de Tchang Kai Chek en 1949, celui-ci l'a abandonnée enceinte en quittant Shanghaï pour Taïwan, après la défaite de son camp et la naissance de la République populaire de Chine.

Au crépuscule de leurs vies, l'amour renaît avec une infinie tendresse et ils songent à partir ensemble, mais Yu-e se sent liée par une indéfectible gratitude à son mari (Xu Caigen) et ses enfants s'opposent à son départ.

«La réunification de la famille et de la Chine, c'est l'idéal auquel tous les Chinois aspirent et je souhaite que cela se produise. C'est peut-être là le message de mon film», a déclaré Wang Quan'an, crâne rasé et petite moustache, lors d'une conférence de presse.

Son film montre aussi Shanghai comme une mégalopole moderne livrée à la spéculation immobilière, où les vieux quartiers sont rasés pour céder la place aux tours.

«Je suis née à Shanghai. Retrouver cette ville et ses petites ruelles, c'était très émouvant pour moi, comme un retour 50 ans en arrière», a déclaré Lisa Lu, cheveux blancs coupés court, une broche de strass sur sa veste rouge.