Le cinéaste Zhang Yimou a dévoilé dimanche un curieux western médiéval chinois, remake en farce du film Blood simple des frères Coen, en compétition à la 60e Berlinale, où il a déjà remporté l'Ours d'or en 1988 avec Le Sorgho rouge.

>>> Lisez et commentez le blogue de Marc-André Lussier

A Woman, a gun and a noodle shop est un western à l'image très stylisée qui a pour cadre une échoppe, toujours déserte, isolée au milieu d'étranges collines pierreuses, rayées de terre pourpre.

L'intrigue au départ est celle d'un vaudeville : la ravissante épouse d'un tyrannique et riche barbon patron de la taverne le trompe avec un jeune employé, un garçon lâche et efféminé, sous les yeux des domestiques.

Lorsqu'elle achète à un colporteur une mystérieuse arme occidentale, le pistolet, les évènements s'enchaînent : la police se mêle de l'affaire tandis que le mari, apprenant l'adultère, paie un tueur pour exécuter les amants.

Splendide, la photographie aux couleurs tranchées souligne la dramaturgie: les cieux d'un bleu d'encre éclairés par la pleine lune contrastent avec les montagnes rouges et les soieries acidulées de costumes (rose bonbon, vert jade, jaune citron) inspirés par les costumes de Nouvel An, a expliqué le cinéaste.

Le ton des scènes est celui de la farce : les mimiques des héros et leur jeu très théâtral contrastent avec l'impassibilité du tueur, qui lui évolue dans le registre du western - coups de sabre filmés au ralenti, regards en gros plan.

Surprenant et expérimental, ce mélange entre humour grotesque, codes du film d'action et irréalité des somptueux paysages, fait de A woman, a gun and a noodle shop un curieux objet.

«J'avais toujours fait des films sérieux, j'ai voulu m'essayer à la comédie avec un langage visuel radical qui vient d'une très vieille tradition en Chine, que je n'avais jamais encore utilisée», a dit Zhang Yimou lors d'une conférence de presse.

«L'absurdité qui préside à la destinée humaine, c'est ce que je voulais montrer dans ce film. Je l'ai trouvé très intéressant à faire, et même plus difficile à tourner que les films sérieux», a déclaré le réalisateur.

Rappelant que l'on célèbre le Nouvel An dans son pays, Zhang Yimou a souhaité «une bonne année à tous les Chinois qui se trouvent à Berlin».

Zhang Yimou a expliqué n'avoir «jamais rencontré» les frères Coen, dont il avait découvert Blood simple (1984), sans sous-titres chinois lors d'une projection au Festival de Cannes.

«Je l'ai beaucoup aimé mais c'était un film très froid, je voulais lui donner un autre style», a-t-il affirmé.

«Dans un mail récent, les frères Coen m'ont dit que le remake leur plaît beaucoup. Ils n'avaient pas imaginé qu'on pouvait transformer leur film à ce point et ils ont trouvé certaines scènes très drôles, ce qui m'a fait très plaisir».

Zhang Yimou a expliqué avoir pour projet de tourner ce printemps un film sur «une histoire d'amour entre deux jeunes gens pendant la Révolution culturelle».

«Je vais m'inspirer de ce que j'ai moi-même vécu», a-t-il dit.

Il est l'un des vingt cinéastes en lice pour les Ours d'or et d'argent décernés le 20 février par le jury que préside le cinéaste Werner Herzog.