Présenté à la Berlinale, L'arbre et la forêt des cinéastes français Olivier Ducastel et Jacques Martineau, évoque la déportation pour homosexualité, longtemps taboue et peu portée à l'écran.

> Suivez Marc-André Lussier en direct de la Berlinale

Déjà lauréat du prix Jean Vigo en France où il sort le 3 mars, le film est programmé dans la section Panorama, où il concourt pour le Teddy Bear qui récompense le meilleur film à thématique gaie ou lesbienne.

On y suit Frédérick (Guy Marchand), sylviculteur en Alsace. Cet homme solitaire et bourru, amateur de Wagner à plein volume, n'apparaît pas aux obsèques de son fils aîné, suscitant l'ire du cadet (François Négret).

Réunis dans la propriété familiale plantée d'arbres, sa femme (Françoise Fabian) sa belle-fille (Catherine Mouchet), sa petite-fille (Sabrina Seyvecou) et le compagnon de celle-ci (Yannick Renier) tentent de le comprendre.

C'est alors que Frédérick révèle la vraie raison de sa déportation dans un camp de concentration, environ quarante ans plus tôt : l'homosexualité.

«Il n'y a, semble-t-il, pas eu de politique de persécution des homosexuels dans la France gouvernée par Vichy : ni de la part des Allemands, ni de celle de Vichy», rappelle Jacques Martineau dans un entretien à l'AFP.

«En revanche, il existe des preuves que des Alsaciens ont été internés au nom du paragraphe 175» du Code pénal allemand, abrogé en 1969, qui punissait «la fornication entre deux hommes», précise-t-il.

Car à l'instar de la Lorraine, l'Alsace annexée par le IIIe Reich en 1940 fut soumise à la législation allemande.

«Nous avons choisi de parler d'un Alsacien pour cette raison-là. Mais les historiens ont du mal à trouver des éléments, nous n'avons eu accès à rien».

Les deux cinéastes se sont surtout basés sur le récit-témoignage de Pierre Seel publié en 1994, Moi Pierre Seel, déporté homosexuel.

«Mais son vécu était trop romanesque et nous voulions plutôt imaginer une histoire autour de ces gens qui n'ont pas témoigné, qui n'en ont pas parlé autour d'eux pendant toutes ces années», dit Olivier Ducastel.

«Nous voulions faire un film sur le silence : pourquoi ce silence, pendant si longtemps?» renchérit Jacques Martineau.

«Les déportés homosexuels ont tous eu la même expérience : comme les autres, ils ont été déportés pour des motifs délirants. Mais quand ils sont sortis, ils ne pouvaient pas ouvrir la bouche : il y avait encore des législations discriminatoires en Allemagne et en France», souligne Olivier Ducastel.

«Pierre Seel n'a pas pu faire reconnaître son statut de déporté : il n'y avait pas de case «homosexualité» à cocher dans les papiers administratifs!»

Pénalisée en 1942 en France, l'homosexualité y a été classée «fléau social» en 1960. L'État français a reconnu pour la première fois le 26 avril 2001 les persécutions subies par les homosexuels durant la Seconde Guerre mondiale, dans un discours du Premier ministre d'alors, Lionel Jospin.

Selon les associations, il y aurait eu 66 cas certains de déportés pour homosexualité en France. Ils seraient 90 000 à 100 000 en Allemagne dont 10 000 à 15 000 ont péri dans les camps, estime le Mémorial américain de l'Holocauste.