Dans la version originale d'Oscar et la dame rose (texte qui a eu une première vie au théâtre en 2007), une octogénaire lisait les lettres à Dieu d'un petit garçon condamné par le cancer. Pour porter au grand écran son récit philosophique, Éric-Emmanuel Schmitt a rajeuni sa Rose (qui a été jouée à Montréal par Rita Lafontaine), inventé de nouveaux personnages et déplacé son point de vue sur cette fable au sujet de la vie en accéléré d'un trop jeune mourant. Le cinéaste d'Odette Toulemonde filme la vie et la mort en rose.

«Rose est une écorchée vive qui n'aime pas sa vie et ne s'aime pas. Elle est très en colère contre la vie et ne peut pas vraiment montrer l'amour qu'elle a pour ses enfants. Lorsqu'elle rencontre le petit Oscar à l'hôpital, elle n'est absolument pas prête à avoir un geste de générosité envers lui. Mais il finira par l'inspirer, lui donner une autre vision de la vie, beaucoup plus lumineuse», témoigne Michèle Laroque, alias la «dame rose», en entretien téléphonique.

La blonde actrice se glisse dans les tailleurs roses - un différent pour chacun des derniers jours d'Oscar - d'une divorcée cassante, commerçante de pizza qui manque de tact. Lors d'une livraison à l'hôpital de son patelin, elle tombe sur Oscar (Amir), petit malade au crâne dégarni, qui, quant à lui, réclamera la visite de cette drôle de madame qui lui raconte les glorieux épisodes de son passé de «catcheuse» (ou lutteuse, comme on dit de ce côté-ci de l'Atlantique!).

«La pièce nous apprenait peu de choses de Rose, qui lisait les lettres du petit garçon. Pour les besoins du film, j'ai voulu en faire quelqu'un de normal», c'est-à-dire d'égoïste, d'énervé qui a la tête dans ses problèmes. Il s'agit de montrer qu'une personne peut changer et devenir ouverte, plus généreuse, pratiquer le bénévolat «, explique le populaire (et prolifique) auteur et cinéaste Éric-Emmanuel Schmitt, dont l'oeuvre se balade de Jésus à Diderot en passant par Mozart.

Une dame en rose et sans gants blancs

Si le courant passe aussi bien entre Oscar et la dame rose, c'est parce que la fougueuse raconteuse a une langue qui n'est surtout pas de bois. «Oscar est tellement habitué que tout soit feutré, dans du coton. Tout le monde le maintient dans une espèce de silence, qui est presque de la mort. La dame rose représente la vie, dans ses bons et ses mauvais côtés. C'est pour ça qu'il a envie de la côtoyer», avance Michèle Laroque.

Avant d'écrire une seule ligne du scénario d'Oscar et la dame rose, Éric-Emmanuel Schmitt savait qu'il voulait faire appel à Michèle Laroque pour incarner cette vendeuse de pizza sexy, soupe au lait et surtout attendrie par sa relation avec le jeune malade.

«J'aime son dynamisme, sa rapidité et le fait qu'elle garde un charme fou, même quand on la sait de mauvaise foi, énervée et en colère. C'est très craquant.» La présence de Benoît Brière (que Schmitt décrit comme un «génie comique») dans le rôle de l'arbitre clownesque des matchs de lutte fantaisistes racontés par la Dame Rose, apporte une couleur québécoise au second long métrage signé Éric-Emmanuel Schmitt.

«Tous les matchs ont été tournés à Montréal, avec Benoît Brière et les artistes du Cirque du Soleil. Ç'a été un épisode joyeux du tournage, plein d'onirisme, de fantaisie et de burlesque. Nous avons conçu ces scènes comme un match de catch imaginé par un enfant qui n'en aurait jamais vu. C'était un univers saturé de couleurs, avec des personnages très dessinés, comme des mangas.»

Influences

Influencé par le cinéaste belge Jaco Van Dormael (Toto le héros) - «Je le connais bien, il m'a donné des conseils.» - et par l'univers de Jacques Demy (qui a inspiré le travail sur les couleurs), Éric-Emmanuel Schmitt associe son cinéma au réalisme magique. «Je ne suis pas un grand réaliste, même dans mes écrits. Ce n'est pas mon école.»

Un film pour les grands enfants ou pour les petits sages, cet Oscar et la dame rose? «Les enfants aiment et rient. Ils ne trouvent pas cette histoire triste parce que, pour eux, la mort est un problème philosophique. Les larmes tombent davantage chez les adultes parce que nous avons tous vécu des douleurs, des arrachements, des disparitions. C'est intéressant de voir les discussions entre générations que suscite le film. Les enfants aiment parler de la mort et de la maladie. Mais les adultes, qui sont incapables de détachement, refusent le dialogue.»

Des pizzas, une catcheuse aux histoires rocambolesques et un Oscar qui imagine sa vie en accéléré, grâce à une dame qui «a les épines et le coeur de la rose». La maladie, sous la lentille d'Éric-Emmanuel Schmitt, invite à rêver en couleurs.