Sept ans après que Michael Moore eut quitté la scène des Oscars sous les huées pour avoir critiqué l'invasion de l'Irak par les États-Unis, un film plongeant au coeur du conflit tient la corde pour remporter dimanche l'Oscar très convoitée du meilleur film.

À moins d'une semaine de la cérémonie, qui se tiendra au Kodak Theater d'Hollywood, le film The Hurt Locker de Kathryn Bigelow est en effet le grand favori de la compétition, à laquelle il concourt dans neuf catégories.

Si le film repart avec la précieuse statuette, il mettra un terme à la malédiction qui frappait jusqu'ici les films sur les guerres d'Irak ou d'Afghanistan, qui ont tous été des échecs critiques ou commerciaux.

Plusieurs films sur le sujet sont sortis ces dernières années, de Lions for Lambs de Robert Redford à Redacted de Brian De Palma, en passant par In the Valley of Elah de Paul Haggis, sans vraiment convaincre.

Mais le succès critique de The Hurt Locker - à défaut d'un vrai succès public - et sa razzia de prix à Hollywood et à travers le monde, ont forcé les analystes à réviser leur jugement, selon lequel aucun film sur des conflits impopulaires ne pourrait jamais s'imposer.

«Le film tente d'attirer l'attention sur une situation très complexe», déclarait récemment Kathryn Bigelow à des journalistes, lors du déjeuner offert aux nommés par l'Académie des Oscars, à Beverly Hills.

«Et avec les conflits actuels en Irak et en Afghanistan, le film est toujours d'actualité. Il offre un regard sur une guerre qui restait très abstraite. Je crois qu'il a touché un point sensible», ajoutait-elle.

Tom O'Neil, un spécialiste de la saison des prix hollywoodiens pour le Los Angeles Times, assure que si The Hurt Locker a réussi là où d'autres ont échoué, c'est parce qu'il n'offre pas de point de vue politique sur la guerre en Irak.

«The Hurt Locker a été bien reçu parce qu'il ne force pas les spectateurs à avoir un point de vue politique sur la guerre», dit-il. «Il met juste en scène l'expérience - l'excitation, la terreur, le danger», ajoute-t-il.

Si le film s'est attiré les critiques de plusieurs associations de vétérans, qui considèrent que la représentation du travail des démineurs n'est pas réaliste, d'autres l'applaudissent des deux mains.

«C'est un film, pas une vidéo d'entraînement», déclare à l'AFP Jim O'Neil, directeur de la Fondation pour le déminage.

«J'aime le film pour l'histoire qu'il raconte et pour la lumière qu'il jette sur la profession de démineur. Beaucoup de gens ignorent que les démineurs existent ou qu'ils sont une branche à part entière des forces armées», dit-il.

Kathryn Bigelow avait déclaré pour sa part vouloir donner au public «une vision terre-à-terre du plus dangereux métier du monde».

«The Hurt Locker n'est pas le seul film à traiter du conflit irakien présent dans la course aux Oscars cette année. Woody Harrelson est en effet nommé pour le meilleur second rôle masculin dans The Messenger, un film à petit budget sur le travail d'un officier chargé d'annoncer la mort des soldats aux familles.

Militant pacifiste, Woody Harrelson a reconnu que son travail dans The Messenger l'avait fait changer d'attitude vis-à-vis des militaires.

«L'ancienne administration de ce pays (ndlr: celle du président Bush) avait tout fait pour que nous associons les militaires et la guerre. Quand elle nous disait «Soutenez nos troupes», elle disait en réalité «Soutenez la guerre»», déclarait l'acteur récemment.

«J'avais donc tendance à tout mettre dans le même sac. Ce n'est qu'après avoir eu l'occasion de passer beaucoup de temps avec des membres de l'armée, sur le tournage de The Messenger, que j'ai commencé à réaliser à quel point ces gens étaient formidables».