Afin d’en arriver un jour à mettre le pied à l’étrier d’un projet tel How to Train Your Dragon, film en animation 3D produit par DreamWorks, Dean DeBlois a appris à apprivoiser ses rêves. D’Aylmer, P.Q., à Hollywood, CA, il s’est dessiné un destin plutôt qu’un mouton. Parcours.

Après avoir donné dans les ogres (Shrek), les animaux plus ou moins sauvages (Madagascar) ou adeptes d’arts martiaux (Kung Fu Panda) et les monstres d’ici et d’ailleurs (Monsters vs. Aliens), DreamWorks Animation se penche sur le cas des Vikings et des dragons dans How to Train Your Dragon, une adaptation du roman de Cressida Cowell que dirigent Chris Sanders et Dean DeBlois. Chris Sanders né au Colorado et Dean DeBlois, à Aylmer, près de Gatineau.

Les deux hommes se sont rencontrés il y a une douzaine d’années. Ça a été le coup de foudre en profession et en amitié: «Nous avons le même genre de sensibilité, lui et moi. Nous aimons le même genre de personnages, le même type d’histoires», racontait Dean DeBlois dans une entrevue téléphonique qu’il a accordée à La Presse quelques jours avant la sortie de How to Train Your Dragon – qu’il a coscénarisé et coréalisé avec Chris Sanders.

Leur première aventure commune a été Mulan. A suivi Lilo&Stitch. Tous deux sous la bannière Disney. How to Train Your Dragon sera la troisième. Et l’histoire derrière cette histoire est, en soi, toute une histoire.

Retour en arrière pour mieux l’apprécier.

Dean DeBlois, qui aura 40 ans cette année, a grandi dans un environnement bilingue qui lui a offert beaucoup – sauf ce qu’il pensait être son rêve premier: «J’ai toujours aimé dessiner et j’ai toujours inventé des histoires. J’ai donc cru que mon avenir serait dans l’illustration de comic books.» Le hic, pour que ce rêve passe à la réalité? Disons que l’industrie du comic book n’est pas florissante aux alentours d’Aylmer. Parlons même d’inexistence. Par contre, au Sheridan College, en banlieue de Toronto, se donnait – et se donne toujours – un cours d’animation. Dean DeBlois s’y est inscrit après l’école secondaire, se disant que là, il pourrait écrire et dessiner.

Il ignorait alors qu’il aimerait autant animer – ce que d’autres écriraient et dessineraient, dans un premier temps; puis, ce que lui, écrirait et dessinerait – et, de cette manière, devenir partie prenante de la création de films. C’est ainsi qu’après trois ans de conciliation travail-études, il a trouvé une place chez Sullivan Bluth Studios, dirigé par le légendaire Don Bluth – celui qui a amorcé sa carrière en travaillant comme animateur sur Sleeping Beauty et a ensuite monté les échelons chez Disney, qu’il a quitté au début des années 80 pour fonder son propre studio et s’installer en Irlande.

C’est là que Dean DeBlois a vécu pendant quatre ans. Et accumulé assez d’expérience pour obtenir un visa de travail américain afin d’offrir ses services à Disney. Qui les ont acceptés, afin qu’il mette la main à la pâte sur le scénario du projet en cours: Mulan.

Là, rencontre déterminante avec Chris Sanders, alors à la tête du département de story-board. «Nous discutions souvent et beaucoup de nos projets personnels et je pense avoir été une des premières personnes à qui il a parlé de cette idée qui allait devenir Lilo&Stitch», se souvient Dean DeBlois. Qui s’est s’est ainsi retrouvé à coscénariser et à coréaliser ce projet avec son ami.

Lequel est par la suite passé dans les rangs de DreamWorks, alors que Dean DeBlois prenait une pause «disneyienne», histoire de travailler à ses propres projets, l’écriture de deux films familiaux en live action – qui n’ont pas encore abouti.

Et, il y a un peu plus d’un an, coup de téléphone.

«Chris m’a dit qu’il travaillait sur un long métrage qui devrait m’intéresser parce que c’était notre genre de projet: un personnage principal jeune, des créatures fantastiques, un monde ancré dans la fantasy. C’était la bonne nouvelle. La moins bonne, c’est que nous n’avions qu’un an pour le faire.»

Ouch! Quand on sait le travail qu’exige un film d’animation, d’autant plus que celui-ci serait en 3D, c’était l’équivalent d’un sprint à courir pendant 12 mois. Mais attention: les deux créateurs ne partiraient pas de zéro. «Cela faisait deux ans que le projet était en chantier, explique Dean DeBlois. Le design des personnages et des lieux était fait et avait été «intégré» dans l’ordinateur, ce qui demande énormément de temps et coûte beaucoup d’argent.»

Le problème résidait dans l’histoire. «Il y avait eu plusieurs versions, certaines très fidèles à celle du livre, mais elles n’étaient pas assez épiques, assez «grosses» aux yeux du studio. Notre défi était intéressant: on nous demandait de garder le titre, de conserver les personnages et les décors, mais de raconter une autre histoire avec. Une histoire qui conserverait l’esprit du livre tout en allant ailleurs... et de faire ça en peu de temps.»

Le genre de proposition qui ne se refuse pas, quoi! Chris Sanders et Dean DeBlois se sont donc attelés à la tâche. Ils ont crée quelques nouvelles créatures, dont le «gentil» dragon Toothless et la créature monstrueuse à cause de laquelle se déroule le grand combat final. Et ils ont carrément changé le fusil d’épaule des personnages.

Dans le livre, les jeunes Vikings, quand ils arrivent à 10 ans, sont amenés dans une île où ils collectent des oeufs de dragons et, lorsque leur dragon naît, ils lui apprennent à faire des tours. Hiccup, le personnage principal, y parviendra en usant de gentillesse et non pas de violence. Dans le monde selon DeBlois et Sanders, Vikings et dragons sont ennemis depuis toujours. «Notre histoire est celle du premier Viking qui franchit le tabou. En se liant d’amitié avec un dragon, il change le monde.» Et il y a fort à parier qu’avec ce How to Train Your Dragon, Dean DeBlois va aussi changer le sien.

How to Train Your Dragon (Dragons) prend l’affiche le 26 mars