Les Juifs hassidiques visent peut-être à se rapprocher de Dieu. Mais ils ne sont pas pour autant des saints. En témoignent deux films fascinants sur la marginalité chez les ultraorthodoxes.

C’est une société que l’on imagine monolithique. Rigoureuse. Sans fissure. Mais elle est en réalité comme la nôtre. Avec ses marginaux et ses voix discordantes.

Qui croirait, par exemple, que l’homosexualité existe chez les Juifs hassidiques? Et que des femmes «défroquent» de la communauté pour devenir blogueuses et photographes? Présentés cette semaine à Montréal, les films Black Bus et Tu n’aimeras point traitent précisément de ces questions.

Réalisé par Haim Tabakman, Tu n’aimeras point est certainement l’une des grosses prises du 5e Festival du film israélien, qui se tiendra au Cinéma du Parc du 2 au 12 mai. Ce long métrage de fiction a notamment gagné le prix de la section Un second regard lors du dernier Festival de Cannes. Et récolté de bonnes critiques partout sur son passage.

On y raconte l’histoire d’Aaron, boucher de profession, mari fidèle et père de quatre enfants. Jusqu’ici respecté dans sa communauté, l’homme verra sa vie bouleversée par l’arrivée d’Ezri, jeune étudiant en quête d’un emploi, alors que d’étranges désirs et des pensées pas vraiment casher commenceront à l’envahir... Ébranlé jusque dans ses convictions les plus profondes, Aaaron devra se redéfinir face à l’interdit et remettre en question ses valeurs de base.

Tourné dans le plus grand secret, à l’abri des autorités religieuses ultraorthodoxes, Tu n’aimeras point n’est pas le premier film à parler d’histoires d’amour clandestines, mais celui-ci est peut-être un plus intrigant que la moyenne. Car si l’homosexualité reste un sujet tabou dans notre monde soi-disant progressiste, il l’est encore plus dans le contexte oppressant d’une communauté religieuse ultraorthodoxe repliée sur elle-même.

Noir l’autobus

Black Bus explore aussi les recoins plus troubles de la société hassidique, mais cette fois du point de vue des femmes.

Ce documentaire israélien -qui n’est, soit dit en passant, pas du tout relié au Festival du film israélien- dresse le portrait de deux jeunes femmes rebelles et allumées, qui ont eu le courage de s’opposer et de quitter leur communauté. Sara tient un blogue pour partager ses réflexions sur la culture hassidique, alors que Shulami la documente par des photos. Pour les besoins du film, toutes deux reviennent dans le quartier de Jérusalem d’où elles se sont enfuies.

Occasion de s’interroger sur cette microsociété qui carbure à l’extrémisme religieux. Et de se questionner sur la place des femmes dans ce monde régi et dominé par les hommes. Car ce sont souvent elles qui en sont les premières victimes. Privées de leur indépendance, la plupart ont été réduites au rôle d’usines à bébés, sans autre perspective d’avenir que celle d’être des mères de famille.

La cinéaste Anat Zuria a choisi les transports en commun comme symbole de cette culture discriminatoire. Plusieurs scènes ont ainsi été tournées dans l’autobus de la ville, où les hommes s’assoient devant et les femmes derrière, «pour éviter toute forme de contact physique».

Sara et Shulami vont remonter dans le véhicule pour affronter leurs démons. Ce retour en arrière aura un effet cathartique. Et leur permettra de mesurer le chemin parcouru, entre l’oppression et l’émancipation.

Film dénonciateur, voire accusateur, Black Bus ne fera sûrement pas la joie des cercles hassidiques. Mais il permettra au profane d’en connaître un peu plus sur cette société fermée, que l’on côtoie régulièrement à Montréal, sans avoir jamais l’impression de la comprendre parfaitement. Instructif.

Le Festival du film israélien a lieu du 2 au 12 mai. Projections au Cinéma du Parc et au Centre Segal. Informations: www.fcim.ca. Tu n’aimeras point est présenté le 6 mai au Cinéma du Parc. Black Bus prend l’affiche au Cinéma du Parc dès aujourd’hui.