Roman Polanski brise le silence qu'il s'était imposé dans un texte intitulé «Je ne peux plus me taire!» mis en ligne hier sur le site web de la revue La règle du jeu, dirigée par Bernard-Henri Lévy. Assigné à résidence à Gstaad, en Suisse, le cinéaste franco-polonais âgé de 76 ans «demande seulement d'être traité comme tout le monde», estimant que la demande d'extradition qui le vise est «basée sur un mensonge».

«Je ne peux plus me taire parce que les États-Unis continuent de réclamer mon extradition plus pour me livrer en pâture aux médias du monde entier que pour prononcer un jugement sur lequel un accord a été pris il y a 33 ans», écrit le réalisateur accusé d'avoir eu des relations sexuelles avec une adolescente de 13 ans en 1977.

Roman Polanski dit espérer «que la Suisse reconnaîtra qu'il n'y a pas lieu à extradition» et qu'il pourra «retrouver la paix et (sa) famille en toute liberté dans (son) pays».

Arrêté le 26 septembre dernier à l'aéroport de Zurich, le réalisateur oscarisé du Pianiste est assigné à résidence depuis le 4 décembre dans son chalet de Gstaad, après qu'il eut passé plus de deux mois en prison. Il attend une décision de la justice suisse sur la demande d'extradition des États-Unis.

Une demande d'extradition que le réalisateur juge «basée sur un mensonge», en référence à son incarcération à Chino, en Californie, durant 42 jours en 1977.

«Dans cette demande (d'extradition), il est dit que je me suis enfui pour ne pas subir une condamnation de la justice américaine; or, dans la procédure «plaider coupable», j'avais reconnu les faits et j'étais retourné aux États-Unis pour exécuter ma peine: il ne restait plus qu'à faire entériner cet accord par le tribunal avant que le juge décide de renier l'accord pris, pour se faire une notoriété médiatique à mes dépens», explique Roman Polanski.

«Je ne peux plus me taire, car la victime a été déboutée par la Cour de Californie dans son énième demande d'arrêter, une fois pour toutes, les poursuites à mon égard et de cesser d'être harcelée chaque fois que l'on reparle de cette affaire», poursuit le cinéaste, écrivant que «les autorités judiciaires américaines viennent de décider, au mépris de tous les arguments et dépositions de tierces personnes, de ne pas accepter de (le) juger hors (sa) présence», alors qu'une «Cour d'appel avait recommandé le contraire».

Incapable de travailler

«Je suis loin de ma famille» et «je ne peux plus travailler», souligne Roman Polanski, qui a été récompensé en février dernier au Festival du film de Berlin pour son dernier long métrage, The Ghost Writer.

«Comme chacun d'entre nous, j'ai eu, dans ma vie, ma part de drames et de joies et je ne vais pas essayer de vous demander de vous apitoyer sur mon sort, je demande seulement d'être traité comme tout le monde», déclare le cinéaste, rappelant avoir «plaidé coupable» il y a 33 ans et avoir «exécuté une peine à la prison de droit commun de Chino, pas dans une prison de VIP, qui devait couvrir la totalité de (sa) condamnation».

«À ma sortie de prison, le juge a changé d'avis et a prétendu que le temps passé à Chino n'était pas l'exécution intégrale de ma condamnation et c'est ce revirement qui a justifié mon départ des États-Unis», dit-il, évoquant un «rebondissement» dans l'affaire le 26 février dernier. «Roger Gunson, le procureur chargé de l'affaire en 1977, aujourd'hui à la retraite, a déclaré sous serment devant le juge Mary Lou Villar, en présence de David Walgren, procureur actuel qui avait tout le loisir de le contredire et de l'interroger, que, le 19 septembre 1977, le juge Rittenband avait déclaré à toutes les parties que ma peine de prison au pénitencier de Chino correspondrait à la totalité de la peine que j'aurais à exécuter.»