Chatroom, L'autre monde, R U there: trois films à l'affiche du Festival de Cannes traversent l'écran d'internet et des jeux vidéo pour sonder les liaisons souvent dangereuses entre adolescence et virtualité.


Et la mort, bien réelle, sert de fond d'écran à chacun de ces trois longs métrages au pessimisme affiché. Comme si l'image de la Toile, positive et dynamique il y a peu encore, s'assombrissait.


Dans Chatroom, du Japonais Hideo Nakata, présenté en sélection officielle dans la section Un Certain Regard, William (Aaron Johnson), un jeune Anglais solitaire au point de plonger ses parents dans une culpabilité permanente, ouvre un forum de discussion. Il est «rejoint» par Eva (Imogen Poots), Emily (Hannah Murray), Mo (Daniel Kaluuya) et Jim (Matthew Beard).


A l'image, la chatroom existe bel et bien, le film mettant en abyme le décor réel de cet espace normalement virtuel. Pour se retrouver, la petite bande a donc investi l'une des nombreuses chambres d'un grand hôtel déglingué, aux couloirs hantés par des créatures sorties du Net: Mickey ou catcheur, pervers SM ou bimbo.


Dans le huis clos de cet chambre protégée, les avatars des cinq ados se racontent, se mettent à nu, tous accros à cette virtualité qui les rassure.

Mais William n'est pas l'ami qu'on croit. Enfermé dans la chatroom, il se repasse en boucle les images de la pendaison d'une petite fille. Une séquence dont il voudrait tant être l'auteur...


L'autre monde
, programmé hors compétition en séance de minuit, n'est guère plus rassurant. Ce film de Gilles Marchand, auteur de Qui a tué Bambi? en 2003, alterne la réalité solaire de la Provence, où se situe l'action, et la sombre virtualité de Black hole, un jeu en ligne.


Gaspard (Grégoire Leprince-Ringuet), autre ado à peine plus âgé que le William de Chatroom, y plonge d'abord par curiosité, puis par désir de rejoindre Sam, l'avatar d'Audrey (Louise Bourgoin), belle et double, dont le frère (Melvil Poupaud) se délecte lui aussi du spectacle de la mort filmée.


Chatroom plaçait le spectateur au coeur de la Toile, L'autre monde (dont le co-scénariste est Dominik Moll, auteur de Harry, un ami qui vous veut du bien), l'envoie dans l'étrange univers d'un jeu en ligne à la superbe esthétique.


Comme dans tous les jeux, on y défend chèrement sa peau et on s'adresse parfois à des personnages qui déguisent habilement leur identité.


Gaspard s'y perdra jusqu'à retrouver, difficilement, le chemin vers le soleil.


Les jeux vidéo sont aussi au centre de R U there du Néerlandais David Verbeek, également présenté au Certain Regard. Jitze (Stijn Koomen), un joueur de jeux vidéo professionnel, voyage à travers le monde pour participer à des tournois. Des jeux de guerre essentiellement, dans lesquels des militaires surarmés obéissent à une seule consigne: tuer.


Mais durant une escale à Taipei, le jeune homme est témoin d'un vrai accident, aussi sanglant que les combats qu'il mène au quotidien dans ses jeux. Confronté à sa propre mortalité, son univers est brusquement bousculé.


Jitze décide alors de trouver refuge sur Second Life, autre univers parallèle du Net. Là, il rencontre Min Min (Huan-Ru Ke), une jeune Chinoise avec laquelle il entame une relation virtuelle. Comme si l'amour, le vrai, ne recouvrait décidément plus aucune réalité.