La justice iranienne a ordonné la libération sous caution du cinéaste iranien Jafar Panahi, en détention depuis le 1er mars, a déclaré lundi le procureur général de Téhéran, Abbas Jafari Dolatabadi.

«Lors d'une rencontre avec ce dernier jeudi à la prison d'Evine, sa demande de libération avant le procès a été examinée et acceptée», a déclaré M. Jafari Dolatabadi, cité par l'agence de presse Isna.

«Il a été décidé qu'il serait libéré après paiement d'une caution. Actuellement les démarches judiciaires et administratives sont en cours» en vue de sa remise en liberté, a-t-il ajouté.

«Dans le même temps, le dossier d'accusation de ce dernier (...) sera envoyé au tribunal révolutionnaire de Téhéran pour examen», a souligné le procureur.

Agé de 49 ans, Jafar Panahi, qui soutient ouvertement l'opposition au président Mahmoud Ahmadinejad, avait été arrêté le 1er mars à son domicile de Téhéran avec seize autres personnes.

Cette arrestation a soulevé une vague d'indignation internationale et de nombreux appels ont été lancés pour sa libération, notamment ces derniers jours, à l'occasion du Festival de Cannes où le cinéaste devait siéger parmi les membres du jury.

Début mars, M. Jafari Dolatabadi avait affirmé que le cinéaste n'avait pas été arrêté «parce que c'est un artiste ou pour des raisons politiques».

«Il l'a été sur ordre d'un juge parce qu'il avait commis un délit», avait-il ajouté, sans préciser la nature de ce «délit».

Mi-avril, le ministère iranien de la Culture et de la Guidance avait cependant affirmé que l'arrestation était «une affaire de sécurité» et que le metteur en scène «préparait un film contre le régime portant sur les évènements post-électoraux», en référence aux manifestations qui avaient suivi la réélection contestée de M. Ahmadinejad en juin 2009.

Le cinéaste avait entamé une grève de la faim il y a une dizaine de jours pour obtenir sa libération, alors que de nombreuses personnalités du 7e art ont réclamé sa remise en liberté.

Début mai, une pétition avait été lancée aux Etats-Unis, rassemblant les signatures de grands noms comme Steven Spielberg, Martin Scorsese, Robert de Niro ou encore Francis Ford Coppola.

Son nom est maintes fois revenu à Cannes lors de la quinzaine.

Lors de la cérémonie d'ouverture, le fauteuil qu'il aurait dû occuper était resté symboliquement vide sur l'estrade de l'auditorium du Palais des festivals.

Le 15 mai, dans une lettre écrite en prison et lue sur les marches du Palais, le metteur en scène avait clamé son innocence et démenti avoir fait un film contre le régime iranien.

Dimanche, l'actrice française Juliette Binoche a brandi un écriteau avec le nom du cinéaste lorsqu'elle est venue chercher le prix d'interpretation féminine.

La France, par la voix de ses ministres des Affaires étrangères Bernard Kouchner et de la Culture Frédéric Mitterrand, avait appelé le 12 mai à la «libération immédiate» de Jafar Panahi.

En Iran également, 85 réalisateurs ont demandé samedi la remise en liberté du cinéaste.

Panahi est l'un des cinéastes de la «nouvelle vague» iranienne les plus connus à l'étranger. Il a notamment reçu le Lion d'or à la Mostra de Venise en 2000 pour «Le cercle» et l'Ours d'argent à la Berlinale en 2006 pour «Hors-jeu». Il a été primé deux fois à Cannes («Le ballon blanc», Prix de la Caméra d'or 1995 et l'«Or pourpre», Prix du Jury-Un Certain Regard en 2000).