Satisfaits d'avoir eu l'oreille attentive de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) à l'occasion d'une rencontre tenue mercredi, les réalisateurs membres du collectif À tout prendre restent tout de même vigilants et s'inquiètent de la possible création d'un fonds dont les sommes seraient octroyées sur la base de critères commerciaux et de succès au box-office.

«Ç'a été une réunion franche, il y a eu une écoute, mais on reste vigilants», a résumé hier le réalisateur de La donation, Bernard Émond, pour qualifier la rencontre de deux heures qui a eu lieu mercredi matin entre des représentants du collectif - Céline Baril, Pascale Ferland, Sylvain L'Espérance, Catherine Martin, Annick Nantel, Nathalie Saint-Pierre - et le président et chef de direction de la SODEC, François Macerola, ainsi que la directrice générale du cinéma et de la télévision, Ann Champoux.

Le grand patron de la SODEC et le groupe de cinéastes ont décidé de s'asseoir à la même table à la suite de la grogne suscitée par des propos tenus en avril par M. Macerola. Celui-ci avait laissé entendre qu'il était temps pour la Société de développement de se défaire de son étiquette de bailleur de fonds du cinéma d'auteur. En total désaccord avec cette affirmation, plus d'une cinquantaine de réalisateurs - dont Denis Villeneuve, Bernard Émond et Xavier Dolan - ont signé une lettre publique pour dénoncer ces intentions. Ainsi, la rencontre de cette semaine avait pour but de faire le point sur les préoccupations à propos de changements appréhendés à la SODEC et sur les positions du collectif concernant la création de nouveaux fonds, le contrôle des coûts de production et sur la répartition des enveloppes.

Fonds commercial

Sur plusieurs points, Bernard Émond souligne que les représentants de la Société de développement se sont montrés sensibles. La principale pomme de discorde demeure toutefois la création d'un fonds commercial. «La SODEC ne doit pas instaurer de fonds distinct sur la base de critères commerciaux ou sur d'autres critères qui ne seraient pas exclusivement basés sur la qualité intrinsèque du scénario ou sur la proposition du réalisateur ou de la réalisatrice, ont écrit les membres du collectif dans un communiqué publié mercredi. La SODEC doit s'abstenir d'opérer une distinction entre le cinéma dit «d'auteur» et le cinéma dit «commercial» dans l'administration de ses octrois.»

Le collectif À tout prendre avait par ailleurs déjà fait part de son inquiétude de voir la SODEC instaurer un système d'enveloppes à la performance, ces sommes d'argent remises par Téléfilm Canada à des producteurs dont le film a eu du succès au box-office. Idée que François Macerola a balayée d'un revers de la main.

Macerola satisfait

Satisfait de ce tête-à-tête, le grand patron de la Société de développement a tenu pour sa part à souligner «que ce projet (de fonds commercial) a été mis de l'avant afin de trouver de nouvelles sources de financement pour le cinéma québécois». Il a du même souffle invité les cinéastes du collectif à assister aux réunions de travail qui porteront sur le sujet. «Cette rencontre nous a donné l'occasion de faire le point et j'espère qu'elle nous permettra de bâtir, sur des bases solides, une réflexion ne pouvant que faire avancer le cinéma québécois», a fait savoir hier M. Macerola, par voie de communiqué. Pour le moment, aucune autre rencontre n'est prévue.