Le Centre Bell n'a peut-être pas de fantômes, mais l'oratoire Saint-Joseph oui. Hier matin, ce fantôme était en l'occurrence celui de Gerry Boulet, revenu sur Terre sous les traits de Mario Saint-Amand.

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On parle bien sûr du film Gerry, qui en était hier à son 24e jour de tournage, pour la reconstitution de la mythique Messe à l'Oratoire, donnée par le groupe Offenbach en 1972. Cheveux longs, pantalons pattes d'éléphant, guitares et amplis vintage: rien n'avait été laissé au hasard pour reproduire l'ambiance et l'époque. Un peu plus, et on aurait senti les odeurs de hasch... Cette scène n'occupera qu'une petite partie du long métrage.

Mais selon le réalisateur Alain Desrochers (Nitro, Musée Eden, Les Bougon), elle reste capitale pour la suite des choses. Car c'est à partir de ce moment que Gerry Boulet, découragé par le manque de succès et les mauvaise critiques au Québec (dont celle de René Homier-Roy dans La Presse, qui avait comparé la Messe à un bingo!), décidera d'aller en France avec son groupe.

«La Messe à l'Oratoire sera placée au milieu du film explique Desrochers. C'est un point charnière dans le scénario. Parce que c'est en France que Gerry a rencontré Françoise Faraldo, qui sera sa muse ultime pour tout ce qu'il a fait après.»

Cette dernière n'était pas présente hier sur le plateau. Mais en tant que première consultante, elle était à l'aréna Maurice-Richard il y a deux semaines pour la reconstitution des shows au Forum donnés par Offenbach au début des années 80. Un moment que Desrochers qualifie de «très émouvant pour tout le monde» et particulièrement pour la veuve du musicien, qui n'a pas pu retenir ses larmes. «On a tous pleuré. C'était un moment fort. Ça nous a ébranlés. On avait vraiment l'impression que les gens dans la salle applaudissaient Gerry.»

Il faut dire que Mario Saint-Amand est particulièrement saisissant dans la peau de Gerry Boulet. La ressemblance est étonnante, voire confondante, voire dérangeante, même si, pour des raisons de «lisibilité», on a choisi de ne pas lui faire porter de barbe pour la scène à l'Oratoire, alors qu'il en avait toute une à l'époque. «C'était pour faciliter l'identification du personnage», explique Desrochers.

De toute façon, l'idée n'était pas de singer le musicien, mais de se l'approprier. Ce que l'acteur semble avoir fait avec succès, tant dans le look que dans le non-verbal.

«Il incarne totalement Gerry, souligne la scénariste Nathalie Petrowski, visiblement convaincue. Il s'est jeté dans le personnage. Il a recomposé son énergie. Gerry avait une image de quelqu'un d'assez dur. Mais il n'était pas seulement ça. Mario a été capable d'aller chercher des aspects qu'on connaissait moins, comme les failles et la vulnérabilité.»

«On avait déjà certaines choses en commun, ajoute pour sa part Mario Saint-Amand, hallucinant de ressemblance sous sa perruque et son deux pièces en denim. On est deux nerveux avec un petit gabarit. Mais pour moi, le plus gros défi était de ne pas tomber dans l'imitation.»

Et la pression de jouer Gerry Boulet? L'acteur ne s'en fait pas avec ça. «Il y aurait de la pression si je l'abordais comme un monument. Mais ce n'est pas le cas.»

Fin de tournage

Il ne reste que six jours de tournage à Gerry. Inspiré de la biographie de Mario Roy parue après la mort du musicien, le film est produit par Christal Films avec un budget de 6 millions. Le projet était dans l'air depuis plus de 10 ans. Il fut d'abord question d'une série télé, avant que le producteur Christian Larouche ne décide d'en faire un long métrage. En chantier depuis cinq ans, le film devrait sortir en mars 2011.

Larouche sait qu'il y aura des attentes. Et, forcément, des mécontents. On ne s'attaque pas sans risque à un personnage marquant de la culture populaire récente. Mais il défend tous les choix de son équipe.

«C'est sûr qu'il y a des gens qui diront que ça ne s'est pas passé comme ça. Certaines scènes ont été changées pour les besoins dramatiques. Ça fait partie du cinéma. Mais on est restés pas mal fidèles à toute l'histoire», conclut-il.

Traversion réédité

L'album Traversion, introuvable sur le marché, sera réédité à l'automne. C'est le guitariste John McGale, président d'Offenbach inc. et consultant-musique sur le film Gerry, qui nous a appris la nouvelle hier. «On a récupéré les droits du disque, qui appartenaient à René Malo. On va le ressortir exactement comme l'original.»

Lancé en 1979, Traversion reste un album crucial dans le parcours d'Offenbach. «Ce fut le point tournant au niveau commercial, résume McGale, qui venait tout juste d'arriver dans le groupe. C'est le disque qui a cimenté le son du nouveau Offenbach.» Moins blues et plus «radio-amical» que les disques précédents, Traversion incluait entre autres les chansons Ayoye, Je chante comme un coyote, Deux autres bières et Mes blues passent pu dans porte, qui deviendront des classiques du groupe.

Selon McGale, le disque ressortira probablement sur étiquette Kali, appartenant à Ian Tremblay, l'ancien impresario de Gerry Boulet.

À noter que dans le film, le personnage de John McGale sera incarné par le rockeur Jonas.